Publication de l’ordonnance transposant la directive « ECN+ »

15/06/2021

La Loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière[1] (« DDADUE ») avait autorisé le Gouvernement à transposer par ordonnance les dispositions, non encore inscrites dans le droit français, telles qu’issues de la directive (UE) 2019/1 du 11 décembre 2018 dite « ECN + », et ce au plus tard avant le 4 juin 2021.

C’est dans le délai imparti que l’ordonnance n°2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive ECN+ visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur a été adoptée en Conseil des ministres (ci-après « l’Ordonnance »)[2].

Pour mémoire, la directive ECN+ a pour objectif d’harmoniser les règles de fonctionnement des autorités nationales de concurrence au sein de l’Union européenne en les dotant de « garanties d’indépendance, des ressources et des pouvoirs de coercition et de fixation d’amendes nécessaires à l’application effective des articles 101 et 102 TFUE ».

Après l’adoption des dispositions relatives à la procédure de clémence par le décret n°2021-568 du 10 mai dernier[3], l’Ordonnance achève la modernisation du droit français de la concurrence.

Ce faisant, l’Ordonnance instaure des modifications substantielles en attribuant de nouveaux pouvoirs et moyens d’actions à l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») tant sur le plan procédural (1) qu’en matière de sanctions (2).

  1. En matière procéduraleles pouvoirs et moyens d’actions de l’Autorité sont considérablement renforcés.
  • L’Ordonnance confère à l’Autorité un pouvoir d’opportunité des poursuites et lui offre la possibilité de prononcer, de sa propre initiative, des mesures conservatoires en cas d’urgence de même que des injonctions structurelles proportionnées à l’infraction commise et nécessaires pour faire cesser effectivement ladite infraction. Elle prévoit également que l’Autorité pourra rendre contraignant, modifier ou compléter les mesures d’engagements prises par les entreprises.
  • Dans le cadre des enquêtes lourdes (opérations de visites et de saisies), l’Ordonnance offre la possibilité pour l’Autorité d’accéder aux clés de chiffrement des documents stockés sur des supports numériques. A noter également que les voies de recours contre les ordonnances du juge de la liberté et de la détention concernant l’autorisation ou le déroulement des opérations de visites et de saisies sont élargies au ministre de l’Économie ou à l’Autorité, et le régime de l’appel est précisé.
  • L’Ordonnance précise que les pratiques dont l’Autorité est saisie « peuvent être établies par tout mode de preuve ». En conséquence, et selon le considérant 73 de la directive ENC+, seront admis à titre de preuves les enregistrements dissimulés, pour autant qu’il ne s’agisse pas de l’unique source de preuve.
  • L’Ordonnance clarifie le cadre dans lequel les parties ont accès au dossier et fixe les limites à l’utilisation des informations qui peuvent s’y trouver, notamment celles relatives aux procédures de clémence et de transaction.
  • La procédure de clémence est simplifiée et les dirigeants et salariés coopérant pour lutter contre les ententes illicites bénéficieront d’une protection juridique renforcée sur le plan pénal.
  • Des mesures renforçant la coopération entre les autorités nationales de concurrence, aux stades de l’enquête, de l’instruction et de la décision sont enfin introduites.

        2. En matière de sanctionsl’Ordonnance supprime tout d’abord la notion de « dommage à l’économie » des critères de détermination de la sanction, pour y insérer l’importance de la durée de l’infraction (cette notion figurait déjà dans le communiqué de l’Autorité de la concurrence relatif à la détermination de la sanction).

Conformément aux dispositions transitoires prévues à l’article 6 de l’Ordonnance, cette modification n’est applicable qu’aux procédures pour lesquelles des griefs sont notifiés, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, après l’entrée en vigueur de l’Ordonnance.

En outre, l’Ordonnance introduit des modifications significatives s’agissant des organisations professionnelles, le plafond de l’amende est en effet considérablement augmenté en passant de trois millions d’euros à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

Lorsque l’infraction d’une association d’entreprises a trait aux activités de ses membres, le montant maximal de la sanction pécuniaire est égal à 10 % de la somme du chiffre d’affaires mondial total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l’infraction de l’association.

L’Ordonnance consacre enfin le principe d’une responsabilité financière des membres de l’association d’entreprises, qui reste néanmoins limitée en ce qui concerne le paiement de la sanction.

De même, conformément à l’article 6 précité, ces sanctions ne sont pas applicables aux pratiques anticoncurrentielles ayant pris fin avant l’entrée en vigueur l’Ordonnance. Toutefois, dans les cas où leur application a pour effet de réduire le montant maximal de la sanction encourue par l’association d’entreprises concernée, elles s’appliquent immédiatement aux procédures de sanction en cours.

A noter enfin que l’adoption du projet de loi de ratification devra intervenir dans un délai de trois mois à compter du 26 mai 2021, dans cette attente l’Autorité se félicite d’ores et déjà de l’adoption de l’Ordonnance, qui comporte selon elle des avancées majeures pour la modernisation du droit de la concurrence.

[1] Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, JORF n°0293 du 4 décembre 2020, Article 37,I.

[2] Texte de l’Ordonnance n°2021-649 du 26 mai 2021.

[3] Articles 17 à 22 de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018.