Absence de nullité de la décision extraordinaire prise sans majorité extraordinaire !

19/10/2012

La cour de cassation, dans un important arrêt de cassation ayant les honneurs d’une publication au bulletin, vient de confirmer une tendance du droit positif vers la réduction au maximum des causes de nullités des actes de sociétés (Cass com., 30 mai 2012, n°11-16.272).

1. Les Faits : Les faits étaient simples : une société à responsabilité limitée avait deux associés, l’un détenant 49% des parts et l’autre 51%. Lors d’une assemblée générale, la société décide notamment un « coup d’accordéon en amortissant les pertes sociales par la réduction du capital à zéro ». Or, cette décision a été prise par le seul associé représentant 51% des parts. Les statuts de la société prévoyaient pour leur part que les décisions collectives extraordinaires, c’est-à-dire « celles qui ont pour objet la modification des statuts ou l’agrément des cessions ou mutations de parts, droits de souscription ou d’attribution » doivent être prises à une majorité d’au moins les trois quarts des parts sociales. L’associé minoritaire conteste le « coup d’accordéon » en arguant de sa nullité pour irrégularité. 

L’associé minoritaire obtient la nullité de la décision contestée devant la Cour d’appel de Bourges (10 mars 2001) mais la Cour de cassation casse la décision aux motifs que « la nullité d’un acte modifiant les statuts d’une société commerciale ne peut résulter que d’une disposition expresse du livre deuxième du Code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats » (article L. 235-1 du Code de commerce) et que « l’article L. 223-30 du Code de commerce ne sanctionne pas par la nullité l’inobservation des dispositions statutaires relatives à la majorité applicable aux décisions modifiant les statuts ».

 2. Portée de l’arrêt ? Au-delà du caractère troublant de la décision, qui permet à un associé détenant 51% des parts d’imposer une réduction du capital à zéro à son coassocié, cet arrêt soulève un problème essentiel sur les sanctions envisageables en cas de non respect des règles de majorité, qu’elles soient d’origine statutaires mais également légales.
On peut en effet tout d’abord remarquer que le coup d’accordéon contesté avait non seulement été décidé sans obtenir la majorité prévue par les statuts mais également la majorité légale, qui est de deux tiers des parts des associés présents ou représentés. Cela signifie-t-il qu’une décision prise par un associé sans respecter la majorité légale ne doive pas non plus être sanctionnée par la nullité ? Une incertitude demeure sur ce point dans la mesure où l’arrêt ne permet pas de savoir si l’associé minoritaire était présent lors des débats.

Pour le reste, il convient de bien distinguer selon les formes sociales.

Dans les sociétés anonymes, l’article L. 225-121 du Code de commerce prévoit expressément la nullité des délibérations des assemblées prises en violation notamment de l’article L. 225-96 qui édicte le seuil de majorité requis pour la modification des statuts.

Dans les sociétés par actions simplifiées, la situation est moins claire. Le dernier alinéa de l’article L. 227-9 du Code de commerce dispose certes que « les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ». Mais la portée de cet alinéa est débattue. En effet, le premier alinéa dudit article dispose que « les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient ». Cela signifie-t-il que serait seule susceptible d’être annulée une décision qui aurait été prise non collectivement (par exemple par le président) alors qu’il était prévue statutairement qu’elle soit une décision collective ? Ou bien que toute décision prise en contrariété avec les formes et conditions prévues par les statuts est susceptible d’être annulée ? De la réponse à cette question dépend pourtant une partie de la sécurité juridique de la forme sociale de société devenue la plus commune.

Samuel Schmidt – avocat au barreau de Paris – UGGC Avocats

Cass.com 30 mai 2012, n°11-16272 : http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000025959920&fastReqId=1198412585&fastPos=1