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Pratiques commerciales interdites et caractéristiques environnementales : la société SHEIN sanctionnée par une amende historique

Le 3 juillet 2025, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a annoncé avoir imposé une amende record de 40 millions d’euros à la société Infinite Style E-Commerce LTD (ISEL), qui exploite la plateforme en ligne de fast-fashion SHEIN pour pratique commerciale trompeuse.

Parallèlement, une amende de 1,098 millions d’euros a également été prononcée à l’encontre de la société ISEL pour non-respect des obligations d’information sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets.

Contexte

Le 27 mai 2025, la DGCCRF publiait un communiqué annonçant l’ouverture d’une procédure par la Commission européenne à l’encontre de la plateforme en ligne SHEIN.

Cette initiative fait suite à une enquête conjointe menée par la Commission, en coordination avec les autorités nationales de quatre États membres, dont la France.


L’enquête a conduit à dénoncer plusieurs pratiques commerciales potentiellement trompeuses ou abusives :

  • l’utilisation de faux rabais ;
  • des mécanismes de pression à l’achat (compte à rebours, offres limitées, etc.) ;
  • la diffusion d’informations mensongères (notamment sur les droits des consommateurs, les modalités de retour ou les caractéristiques environnementales des produits) ;
  • une opacité concernant certaines informations essentielles, comme les moyens de contacter la plateforme.

La société ISEL disposait alors d’un délai d’un mois pour répondre aux constats, sa réaction conditionnant la suite de la procédure, et notamment l’éventuelle mise en œuvre de sanctions financières.

Des pratiques commerciales trompeuses

Les sanctions n’auront pas tardé et, à l’issue d’une procédure de transaction, la société ISEL a accepté de régler une amende de 40 millions d’euros du fait des pratiques commerciales trompeuses constatées qui, selon une déclaration de l’intéressée à l’AFP, auraient déjà fait l’objet de mesures correctives.

Selon un communiqué de la DGCCRF, la société ISEL a trompé les consommateurs sur la réalité des réductions dont ils pouvaient bénéficier, en pratique des annonces comportant des « prix barrés » et des promotions permanentes alléchantes. En réalité, 57 % des annonces vérifiées n’offraient aucune baisse de prix, 19 % une baisse moins importante que mise en avant, tandis que 11 % d’entre elles comportaient des augmentations de prix.

Or, d’une part, une promotion est, par essence, nécessairement temporaire. Une offre présentée comme promotionnelle mais reconduite de manière permanente ou quasi-permanente est susceptible de constituer une pratique commerciale trompeuse, dès lors qu’elle est de nature à induire en erreur le consommateur sur le caractère exceptionnel ou limité de l’avantage proposé.

D’autre part, le Code de la consommation règlemente de façon stricte l’affichage d’une réduction de prix. Ainsi, toute annonce de réduction de prix doit être accompagnée de l’indication du prix le plus bas pratiqué par le professionnel au cours des 30 jours précédant la promotion. Ce prix constitue le prix de référence à partir duquel la réduction doit être calculée.

En outre, la DGCCRF n’a montré aucune indulgence s’agissant des pratiques de « greenwashing » de la société ISEL, laquelle n’a pas été en mesure de documenter et justifier les allégations environnementales affichées sur son site internet, en particulier le message la présentant comme « une entreprise responsable, qui limiterait son impact environnemental en diminuant de 25 % ses émissions de gaz à effets de serre. »

Or, une allégation environnementale, qu’elle porte sur les engagements d’une entreprise ou sur l’impact d’un produit ou d’un service, doit être fiable, claire, précise, justifiée et vérifiable par des preuves scientifiques. A défaut, ces arguments commerciaux pourront être considérés comme trompeurs pour le consommateur.

Et des manquements à la réglementation sur l’information environnementale

Dans le prolongement de son action à l’encontre des pratiques commerciales trompeuses du géant Shein, la DGCCRF a également infligé une amende administrative de 1,098 million d’euros à la société ISEL en raison du non-respect des obligations d’information environnementale applicables aux metteurs sur le marché de produits générateurs de déchets, tels que les vêtements, le linge ou les chaussures.

En effet, depuis le 1er janvier 2023, les produits textiles composés à plus de 50 % de fibres synthétiques doivent être accompagnés de la mention « Rejette des microfibres plastiques dans l’environnement lors du lavage ». C’est la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire qui a renforcé l’obligation d’information du consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets, dans un souci accru de transparence. L’objectif est clair : permettre au consommateur d’acheter en connaissance de cause, sur la base d’une information claire, compréhensible, et sincère.

Or, en omettant de partager ces informations concernant les microfibres plastiques sur 732 produits référencés, Shein a manqué à son obligation relative à cette exigence de transparence environnementale imposée par la réglementation française.

Cette sanction administrative inédite souligne que les obligations d’affichage environnemental ne sont plus théoriques et que les plateformes de vente en ligne, souvent massivement importatrices, sont pleinement dans le champ du contrôle économique. Un signal fort adressé à l’ensemble du secteur du textile, par ailleurs responsable de près de 10% des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales.

La sanction du 3 juillet infligée à Shein s’inscrit dans un contexte législatif plus large de durcissement à l’égard de la mode éphémère et de ses effets environnementaux, une dynamique confirmée par l’adoption en première lecture au Sénat, le 10 juin dernier, de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Ce texte, actuellement examiné par l’Assemblée nationale, vise à responsabiliser les acteurs du secteur textile pratiquant la « mode ultra express » afin de lutter contre le renouvellement extrêmement rapide des collections avec un nombre élevé de nouvelles références ou dont l’incitation à réparer les produits est faible. En l’état, le texte impose notamment de nouvelles obligations en matière d’affichage environnemental et de transparence, mais aussi d’incitation du consommateur en termes de réutilisation, réemploi et recyclage. Il prévoit également des restrictions publicitaires et des pénalités financières progressives pour les entreprises les moins vertueuses selon le principe « pollueur-payeur » dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs.

A cela s’ajoute également l’interdiction de destruction au niveau européen, prévu par le règlement (UE) 2024/1781 dit « Ecoconception », qui s’appliquera à partir du 19 juillet 2026 aux principaux opérateurs de l’industrie textile, avant d’entrer en vigueur pour les moyennes entreprises.

À terme, c’est bien un changement de modèle qui est visé : faire émerger une mode plus sobre, responsable, traçable et compatible avec les objectifs de transition écologique.