Conseil d’Etat : la fermeture des salles de cinéma, théâtres et spectacles, une atteinte à la liberté d’expression ?

20/01/2021

Alors que la baisse d’activité des secteurs de l’audiovisuel et du cinéma due à la crise sanitaire a été estimée à près de 20% du chiffre d’affaires, soit une perte d’activité de -4,9 milliards d’euros en 2020[1], une réouverture des salles obscures ne semble pas être pour tout de suite, à la lecture d’une ordonnance publiée par le juge des référés-libertés du Conseil d’Etat, le 23 décembre dernier.

Saisi par plusieurs représentants des secteurs du spectacle et du cinéma afin de suspendre la fermeture des cinémas, théâtres et salles de spectacles ordonnée par le Gouvernement depuis le 29 octobre 2020[2], le Conseil d’Etat a considéré que cette fermeture portait une atteinte grave aux libertés, mais restait justifiée par un contexte sanitaire défavorable et évolutif.

Relevant dans un premier temps que  « les exploitants des établissements concernés ont conçu et mis en œuvre, des aménagements des pratiques professionnelles et des protocoles sanitaires stricts » de nature à endiguer la pandémie de la COVID 19, le Conseil d’Etat souligne pour autant que « l’administration ne produit pas d’éléments relatifs à des cas de contamination qui seraient survenus lors de spectacles à l’occasion desquels de tels protocoles sanitaires auraient été mis en place » et que « le risque de transmission du virus, dans les établissements accueillant les spectacles vivants comme dans les cinémas, est plus faible que pour d’autres événements rassemblant du public en lieu clos, dès lors que de tels protocoles sont effectivement institués et appliqués ».

Ainsi, une telle restriction que représente la fermeture des salles de cinéma, théâtres et spectacles est une « atteinte grave aux libertés fondamentales que constitue la liberté d’expression et la libre communication des idées, la liberté de création artistique, la liberté d’accès aux œuvres culturelles, la liberté d’entreprendre et la liberté du commerce et de l’industrie ainsi que le droit au libre exercice d’une profession ».

Il précise également que « le seul fait qu’une partie des activités concernées pourrait demeurer accessible au public à travers d’autres supports ou de manière dématérialisée ne saurait faire disparaître cette atteinte ».

Selon le Conseil d’Etat, cette atteinte grave « constituerait une illégalité manifeste si elle était justifiée par la seule persistance d’un risque de contamination de spectateurs par le virus ». Cette restriction serait donc justifiée en prenant compte du contexte sanitaire général. La mesure de fermeture des salles obscures est ainsi légale tant que demeure un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population en général.

La fermeture totale des établissements de spectacles cinématographiques le 30 octobre 2020 a donc interrompu l’exploitation des œuvres qui y étaient alors distribuées. Pour ne pas pénaliser les producteurs et distributeurs et pour garantir l’accès du public aux œuvres audiovisuelles, le décret n° 2020-1462 du 27 novembre 2020, publié au Journal officiel du 29 novembre 2020, accorde une dérogation de 4 mois minimum pour les œuvres qui faisaient l’objet d’une exploitation en salles au 29 octobre 2020, en vue de leur exploitation en VOD, SVOD ou DVD/Bluray[3]. Cette dérogation est accordée sur demande auprès du Centre National du Cinéma (CNC).

Notre Cabinet UGGC et son équipe d’Avocats spécialisés en droit de l’audiovisuel sont à votre disposition pour vous assister dans la protection de vos intérêts juridiques et économiques.

Par l’équipe IP-IT du Cabinet UGGC

Source : Conseil d’Etat


[1] Ministère de la Culture, Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) – Analyse de l’impact de la crise du COVID-19 sur les secteurs culturels – Mai 2020

[2] Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

[3] Décret n° 2020-1462 du 27 novembre 2020 portant dérogation exceptionnelle au délai d’exploitation des œuvres cinématographiques sous forme de vidéogrammes et article L231-1 du Code du cinéma et de l’image animée