Le défaut d’information du médecin : quel préjudice réparable ? (Cour administrative d’appel Douai 13/06/2013 12DA00936)
L’évolution du droit en la matière a été marquée par l’arrêt fondateur de la cour de cassation du 3 juin 2010[1] qui délaissant le visa de l’article 1147 du code civil au profit de celui de l’article 1382 du même code, fait du devoir d’information un devoir transversal[2] pesant sur le médecin et reconnaît l’existence d’un préjudice moral distinct, déconnecté des lésions corporelles, qui doit être réparé même si les conséquences de l’intervention ont été bénéfiques, même si le patient n’avait pas d’autre choix que l’intervention.
Cette évolution est partagée par la jurisprudence administrative dont la convergence de solution s’est exprimée dans l’arrêt du 10 octobre 2012[3].
L’autonomie de ce droit fondamental à l’information est consacrée par l’article L. 1111-2 du code de la santé publique[4] : Le patient devient le seul et unique titulaire de ce droit à l’information et nul ne peut en restreindre le bénéfice même s’il est contraire à son intérêt[5].
Cependant, la juridiction administrative a une approche un peu différente de celle de la juridiction civile.
En effet, si la juridiction civile consacre un droit à indemnisation dès que le défaut d’information est avéré[6], la juridiction administrative impose un minimum de justifications à apporter pour ouvrir un droit à indemnisation du préjudice moral.
C’est ce qu’illustre l’arrêt rendu le 13 juin 2013 par la Cour administrative d’appel de Douai (n°12DA00936) en rappelant que si « indépendamment de la perte d’une chance de refuser l’intervention, le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques courus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles », « l’existence du préjudice ne se déduit pas de la seule circonstance que le droit du patient d’être informé des risques de l’intervention a été méconnu ».
La Cour précise qu’il appartient ainsi à la victime « d’en établir la réalité et l’ampleur ».
En l’espèce, elle a considéré que la victime n’établissait ni la réalité, ni l’ampleur d’un tel préjudice né de ce défaut d’information et a réformé le jugement entrepris sur ce point en ce qu’il avait alloué une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral né du défaut fautif d’information sur les risques présentés par la résection colo-rectale (ici étaient apparus des saignements correspondant à une décapsulation de la rate impliquant, après l’échec des tentatives d’hémostase, une poursuite de l’intervention par laparotomie suivie d’une splénectomie : risque connu en chirurgie du colon sur lequel aucune information n’avait été donnée).
Les limites pour la juridiction administrative sont ainsi la réalisation du risque et l’existence d’un préjudice « d’impréparation » dont l’ampleur doit être justifiée[7].
[7]ex. Tribunal administratif Lille 9 janvier 2013 n°0701439 inédit : les conclusions indemnitaires en raison du manquement à l’obligation d’information sont rejetées, la requérante ne se prévalant d’aucun trouble qu’elle aurait pu subir du fait de ne pas avoir pu de préparer à cette éventualité – Tribunal administratif de Lyon 12 mars 2013 n°1105650 inédit, l’indemnisation du préjudice moral d’impréparation est faite à hauteur de 5 000 euros, le défaut d’information n’ayant pas permis au requérant d’anticiper et de se préparer psychologiquement à la survenue du risque.
Max Mietkiewicz
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