7 lignes de force à retenir parmi les innovations du nouveau Code Afep-Medef sur la gouvernance des sociétés cotées

04/02/2014

Une version révisée du code AFEP-MEDEF, sur le gouvernement d’entreprise des sociétés cotées (Note 1), a été publiée en juin 2013 et un guide, précisant l’interprétation retenue pour certaines recommandations et fournissant des outils pour faciliter son application, vient d’être publié (janvier 2014 – Note 2) par le Haut comité de gouvernement d’entreprise, Haut Comité dont la mise en place effective est intervenue le 8 octobre 2013, en conformité avec l’article 25.2 du code révisé.

Ce Haut Comité a notamment pour mission d’interpréter les dispositions du code, de proposer des mises à jour, et de statuer au cas par cas. Il peut également s’autosaisir, en cas de non application du code par une société se référant au code et ayant adhéré au Haut-Comité, et émettre un avis, lequel doit figurer dans le document de référence ou dans le rapport annuel de la société ayant commis le manquement.

Indépendamment de la création même de ce Haut Comité, plusieurs innovations et modifications significatives sont à retenir.

  1. Rémunération :  le « Say on pay »

L’innovation la plus marquante, tant il s’agit d’un sujet sensible, réside dans l’introduction du principe dit du « say on pay », à l’article 24.3 du code AFEP-MEDEF révisé, qui à trait à l’information et à la consultation des actionnaires sur la rémunération individuelle des « dirigeants mandataires sociaux ».

En pratique, le conseil d’administration doit présenter à l’assemblée générale ordinaire annuelle les rémunérations (au sens large) dues ou attribuées aux différents dirigeants mandataires sociaux lors de l’exercice passé par l’ensemble des sociétés du groupe (Note 3).

Par la suite, l’assemblée générale donne son avis, positif ou négatif, sur la rémunération due ou attribuée pour chaque dirigeant mandataire social concerné. Ce vote est donc un vote « ex post » pour reprendre la terminologie du guide d’application du Haut Comité, à savoir un vote sur les rémunérations déjà versées ou attribuées au cours de l’exercice passé et non pas « ex ante sur la politique de l’exercice en cours ».

Dans l’hypothèse d’un avis négatif, le conseil d’administration, sur avis du comité des rémunérations, doit délibérer sur le sujet, lors d’une prochaine séance, et effectuer immédiatement une publication sur le site internet de la société, en indiquant « les suites qu’il entend donner aux attentes exprimées par les actionnaires lors de l’assemblée générale ». Il est à noter qu’aucun délai n’est indiqué par le code pour la tenue du conseil d’administration devant délibérer sur ce sujet.

Notons également qu’il est désormais indiqué clairement, à l’article 18.2 du code révisé, « qu’il est nécessaire que le conseil délibère sur les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux hors la présence de ceux-ci ».

Une présentation standardisée, des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux de sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché règlementé, a été introduite en annexe dans le code révisé et ce conformément à la position-recommandation de l’Autorité des marchés financiers n°2009-16. Le guide publié en janvier 2014 donne également des recommandations utiles sur la présentation du rapport annuel consacré à la rémunération des dirigeants ainsi que sur les résolutions à présenter à l’assemblée.

  1. Les indemnités de prise de fonction  (« golden hello ») sont reconnues mais encadrées

Le code AFEP-MEDEF révisé s’est enrichi de recommandations relatives aux golden hellos ou « indemnités de prise de fonction » pour préciser, à l’article 23.2.5, qu’elles ne peuvent être accordées « qu’à un nouveau dirigeant mandataire social venant d’une société extérieure du groupe » et que « son montant doit être rendu public au moment de sa fixation ».

  1. Les indemnités de non concurrence sont plus strictement encadrées

Il en va de même concernant les indemnités dites de « non concurrence », pour lesquelles il est désormais prévu « une réflexion approfondie au sein du comité des rémunérations » et une autorisation préalable, ainsi qu’au moment du départ du dirigeant, du conseil d’administration sur l’accord de non concurrence. Il est également demandé, toujours à l’article 23.2.5 du code révisé, à ce que soit insérée une clause autorisant le conseil d’administration à renoncer à la mise en œuvre de l’accord lors du départ du dirigeant. Le guide d’application est venu préciser que les recommandations relatives aux « indemnités de non concurrence » s’appliquent aux accords conclus postérieurement au 16 juin 2013.

  1. Toilettage pour les indemnités de départ et les retraites complémentaires

Concernant les « indemnités de départ » ou golden parachute, la nouvelle version du code indique que les conditions de performance doivent s’apprécier sur au moins deux exercices. Il est confirmé que l’indemnité de départ ne doit pas excéder, le cas échéant, deux ans de rémunération (fixe et variable). De plus lorsqu’une clause de non concurrence est en outre mise en œuvre, le cumul de ces deux indemnités ne peut excéder ce plafond.

Pour ce qui a trait aux régimes de retraites supplémentaires, l’article 23.2.6 du code révisé apporte quelques précisions et notamment indique que les conditions d’ancienneté doivent être au minimum de deux ans, que la progressivité en fonction de l’ancienneté doit être limitée à 5% de la rémunération du bénéficiaire, que les informations sur les droits potentiels ouverts à titre individuel doivent être rendues publiques et enfin que le pourcentage maximum auquel donne droit le régime de retraite supplémentaire est plafonné à 45% du revenu de référence (revenu réel fixe et variable).

  1. Cumuls des mandats : un code plus restrictif

Le code AFEP-MEDEF révisé met davantage l’accent que son prédécesseur sur la limitation du cumul des mandats. Ainsi, le nouvel article 19 du code indique que l’ « administrateur ne doit pas exercer plus de quatre autres mandats dans des sociétés cotées extérieures au groupe, y compris étrangères » et que le « dirigeant mandataire social ne doit pas exercer plus de deux autres mandats d’administrateur dans des sociétés cotées extérieures à son groupe, y compris étrangères » (Note 4). Le nouvel article précise en outre que « l’administrateur doit tenir informé le conseil des mandats exercées dans d’autres sociétés, y compris sa participation aux comités » et que le dirigeant mandataire social doit « recueillir l’avis du conseil avant d’accepter un nouveau mandat social dans une société cotée ».

  1. Comités : des précisions sur l’organisation et la gouvernance

En outre, l’article 15 du code AFEP-MEDEF révisé pose des règles applicables à l’ensemble des comités. Ainsi il est recommandé, pour ces comités, de se doter d’un « règlement précisant ses attributions et ses modalités de fonctionnement », de ne pas avoir d’administrateurs dits « croisés » (Note 5), et de veiller à l’objectivité des conseils externes auxquels ils recourent.

Il convient de souligner que la dénomination de « comité des comptes » fait place à celle de « comité d’audit » et que ce dernier voit ses obligations en matière de contrôle interne et de gestion des risques s’accroitre. En effet, selon l’article 16.3 révisé, il se doit d’examiner les risques et engagements hors bilan significatifs, d’en apprécier l’importance et d’en informer le conseil d’administration.

Il est désormais précisé de manière claire que le président, s’il est directeur général, ne peut présider le comité des nominations (Article 17.1) et que le comité des rémunérations doit être présidé par un administrateur indépendant (Article 18.1). Par ailleurs, les critères excluant la qualification d’administrateur indépendant sont précisés dans la nouvelle version du code où il est indiqué, à l’article 9.4, que « l’appréciation du caractère significatif ou non de la relation entretenue avec la société ou son groupe, doit être débattue par le conseil et les critères ayant conduit à cette appréciation, explicités dans le document de référence ». (Note 6). Il est désormais indiqué que « les administrateurs représentant les actionnaires salariés ainsi que les administrateurs représentant salariés ne sont pas comptabilisés pour établir » les pourcentages d’administrateurs indépendants (Article 9.2). L’article 18.1 dispose également qu’il est conseillé qu’un administrateur salarié soit membre du comité des rémunérations.

  1. Une force accrue conférée à la règle dite du « Comply or Explain »

Une force accrue est conférée à la règle dite du comply or explain en ce sens que la nouvelle version du code impose aux sociétés de fournir une explication claire, détaillée et pertinente, si elles souhaitent s’écarter des règles prescrites, et d’indiquer les mesures alternatives adoptées (Note 7).

Samuel Schmidt – avocat au barreau de Paris (UGGC Avocats)

Note 1 :

http://www.afep.com/uploads/medias/documents/Code_gouvernement_entreprise_societes_cotees_Juin_2013.pdf

la dernière édition du Code de gouvernement d’entreprise cotée datait d’avril 2010. A noter que pour les valeurs moyennes et petites existe un code spécifique moins exigeant publié en 2009 : code de gouvernance MiddlenextCode_de_gouvernance_site

Ces codes ont vocation à s’appliquer en priorité aux sociétés cotées mais les règles qu’ils posent peuvent également servir de référence pour les sociétés non cotées.

Pour une analyse détaillée des modifications intervenues : voir notamment : B. Dondero, « Le Code Afep-Medef révisé : un nouveau départ » – Revue des Sociétés, janvier 2014, page 7 et s.

Note 2 : Guide_application_du_code_Afep_Medef_janvier_2014

Note 3 : article 24.3 du Code.

Note 4 : Pour mémoire, l’article L. 225-21 du Code de commerce et l’article L. 225-54-1 sont beaucoup moins restrictifs puisqu’ils disposent respectivement qu’une « personne physique ne peut exercer simultanément plus de cinq mandats d’administrateur de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français » et qu’« une personne ne peut exercer simultanément plus d’un mandat de directeur général de sociétés anonymes sur le territoire français. L’article L. 225-94-1 du Code de commerce fixe enfin un plafond global : «Sans préjudice des dispositions des articles L. 225-21, L. 225-54-1, L. 225-67, L. 225-77 et L. 225-94, une personne physique ne peut exercer simultanément plus de cinq mandats de directeur général, de membre du directoire, de directeur général unique, d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français. Pour l’application de ces dispositions, l’exercice de la direction générale par un administrateur est décompté pour un seul mandat ».

Note 5 : Par exemple l’hypothèse dans laquelle un administrateur de la société A est présent dans le comité des nominations de la société B, alors qu’un administrateur de la société B est présent dans le comité des rémunérations de la société A.

Note 6 : Au sujet de l’administrateur indépendant, il est à noter que dans sa recommandation en date du 18 novembre 2013 et donc postérieure à l’entrée en vigueur du code révisé (Recommandation AMF n°2013-15 sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants), l’AMF émet des réserves sur la définition de l’administrateur indépendant en indiquant que le code devrait préciser « à minima les critères qualitatifs d’analyse du caractère significatif de ces relations d’affaires, ainsi que les cas dans lesquels un administrateur indépendant ne pourrait pas être considéré comme indépendant. Le code devrait, en tout état de cause, préciser que le conseil doit accorder une vigilance particulière à l’appréciation du caractère significatif ou non de la relation d’affaires entretenue avec la société ou son groupe et aux critères ayant conduit à cette appréciation, en particulier lorsque l’administrateur est banquier d’affaires ».

Note 7 : Le principe du « comply or explain » a été posé en droit français par les articles L. 225-37 et L. 225-68 du code de commerce (par la loi n°2008-649 du 3 juillet 2008).

Cet article a été rédigé avec le concours de Melle Florence Sciascia, élève avocate à l’EFB.