S’agissant d’une question essentielle pour toutes les entreprises, notamment celles qui sont soumises à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), voici un point sur la réforme des délais de prescription en matière douanière

21/01/2016

L’article 92 de la loi de finances rectificative (LFR) pour 2015, promulguée le 29 décembre 2015, allonge de trois à dix ans le délai de prescription des infractions douanières « ayant pour objet ou résultat le non recouvrement de droits et taxes ».

Rappel du contexte de l’adoption de l’article 92 de la LFR pour 2015

En droit français, l’ensemble des infractions aux règles dont l’application incombe à l’administration douanière – intentionnelles et non intentionnelles – est passible de sanctions pénales qui se prescrivent par trois ans.

Ce délai est commun :

  • au recouvrement des droits et taxes résultant des infractions (article 354 du code des douanes national),
  • à l’application des sanctions douanières (article 351 du code des douanes national),
  • à la conservation des documents propres aux opérations (articles 65 et 95.1 bis du code des douanes national).

En prévision de l’entrée en vigueur du code des douanes de l’Union européenne le 1er mai 2016 (1), ce délai a dû être modifié.

En effet, l’article 103 du code des douanes de l’Union européenne exige que les droits de douane à l’importation et à l’exportation nés d’infractions pénalement sanctionnées soient recouvrés sous un délai minimum de cinq ans et maximum de dix ans.
La modification du délai de trois ans de recouvrement des droits de douane en droit français s’imposait et la LFR pour 2015 a répondu à cet objectif.

Toutefois, la LFR est allée bien au-delà. Sous couvert de l’adaptation du droit national au droit de l’Union, elle a allongé à dix ans le délai de prescription de l’ensemble des infractions douanières ayant pour objet ou résultat le non recouvrement de droits et taxes.

(1) Règlement (UE) n°952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union.

Texte adopté :

L’article 354 bis du code des douanes, instauré par la LFR pour 2015 :

  • porte de trois à cinq ans la période pendant laquelle le redressement d’une dette douanière est possible, en ce qui concerne les omissions ou insuffisances d’imposition en matière des droits de douane (nouvel article 354 bis du code des douanes national) ;
  • maintient le délai de prescription des sanctions des infractions correspondantes à trois ans (nouvel article 354 quater du code des douanes, renvoyant à l’article 351 actuel du code des douanes national).

Cette partie de la LFR est claire et conforme au droit de l’Union.

Mais la LFR va plus loin et prolonge jusqu’à dix ans :

  • le délai de recouvrement des droits de douane résultant des infractions dont la recherche aura commencé par la notification d’un procès-verbal de contrôle à l’intérieur du délai de prescription quinquennale susvisé ;
  • le délai de recouvrement et de poursuites pénales des infractions intentionnelles et non intentionnelles « ayant pour objet ou résultat le non recouvrement de droits et taxes » dont l’existence sera « révélée par une procédure judiciaire ou par une procédure devant les juridictions administratives » (nouveaux articles 354 ter et 354 quater du code des douanes national).

Cette partie de la LFR pose de sérieuses difficultés.

En effet :

  • la loi ne définit pas à qui s’appliquent les «procédures » qui révéleraient l’existence des infractions douanières susvisées. Il en résulte que toutes « procédures », même celles qui n’impliquent pas le redevable, pourraient potentiellement servir de prétexte pour déclencher un contrôle ;
  • la loi ne précise pas si les infractions « révélées » dans la cadre des « procédures » susvisées doivent être notifiées aux redevables avant l’expiration de la prescription triennale de droit commun. Il en résulte que les poursuites pourraient, en principe, être entamées bien après l’expiration du délai de trois ans.

In fine, le texte allonge de facto de trois à dix ans plus l’année en cours la durée de prescription de toutes les infractions douanières « ayant pour objet ou résultat le non recouvrement de droits et taxes»
Le texte précise, enfin, être rétroactivement applicable aux faits non encore prescrits au 1er mai 2016.

 

 

Article 92 de la LFR pour 2015

I. – Le code des douanes est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 354 est ainsi rédigé :

« Sous réserve de l’article 354 bis, le droit de reprise de l’administration s’exerce pendant un délai de trois ans, à compter du fait générateur. » ;

2° Après l’article 354, sont insérés des articles 354 bis, 354 ter et 354 quater ainsi rédigés :

« Art. 354 bis. – Le droit de reprise prévu par le 1 de l’article 103 du code des douanes de l’Union, applicable à la dette douanière définie par les 18, 20 et 21 de l’article 5 du même code, est porté à cinq ans dans les cas prévus par le 2 de l’article 103 dudit code.
Outre les cas de suspension mentionnés au 3 de l’article 103 du même code, le droit de reprise mentionné au premier alinéa est interrompu par la notification d’un procès-verbal de douane, jusqu’à la dixième année qui suit celle au titre de laquelle les droits sont dus ».

« Art. 354 ter. – Même si les délais prévus aux articles 354 et 354 bis sont écoulés, les infractions ayant pour objet ou résultat le non recouvrement de droit ou de taxes, révélées par une procédure judiciaire ou par une procédure devant les juridictions administratives, peuvent être réparées par l’administration des douanes jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clos l’instance et, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due ».

« Art. 354 quater. – Pour l’application des articles 354 à 354 ter, les agents des douanes mettent en oeuvre les pouvoirs prévus par le présent code, même si la prescription prévue par l’article 351 est écoulée ».

3° L’article 355 est ainsi modifié :

a) Au 1, les mots : « 353 et 354 ci-dessus » sont remplacés par les mots : « 353, 354 et 354 bis » ;

b) Le 2 est abrogé.

II. – Le I s’applique aux faits générateurs intervenant après le 1er mai 2016 et à ceux non encore prescrits à cette date.