Des précisions sur le propriétaire détenteur des déchets entreposés sur son terrain

05/11/2014

Par Marie Nicolas

1) Le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé lui-même comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandon sur son terrain (CE, 26 juillet 2011, Commune de Palais-sur-Vienne, n° 328651 ; CE, 25 septembre 2013, n° 358923).

Par une décision du 24 octobre 2014, le Conseil d’Etat rappelle que la responsabilité du propriétaire du terrain sur lequel se trouvent des déchets ne peut être recherchée qu’en l’absence de producteur ou de détenteur connu de ces déchets et précise les conditions dans lesquelles le propriétaire peut être qualifié de détenteur :

« sont responsables des déchets, au sens des dispositions de la loi du 15 juillet 1975, les producteurs ou autres détenteurs connus des déchets ; qu’en leur absence, le propriétaire du terrain sur lequel ils ont été déposés peut être regardé comme leur détenteur, au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, et être de ce fait assujetti à l’obligation de les éliminer, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ou s’il ne pouvait ignorer, à la date à laquelle il est devenu propriétaire de ce terrain, d’une part, l’existence de ces déchets, d’autre part, que la personne y ayant exercé une activité productrice de déchets ne serait pas en mesure de satisfaire à ses obligations ; » (CE, 24 octobre 2014, Société Unibail Rodamco, n° 361231).

Ce faisant, le Conseil d’Etat vient illustrer les situations dans lesquelles peut être engagée cette responsabilité de second rang du propriétaire en cas d’absence de producteur et de détenteur connu des déchets.

Outre l’hypothèse de négligence à l’égard de l’abandon de déchets sur son terrain, le propriétaire peut également être qualifié de détenteur si, à la date à laquelle il est devenu propriétaire du terrain, il ne pouvait ignorer (i) l’existence de ces déchets et (ii) que la personne y ayant exercé une activité productrice de déchets ne serait pas en mesure de satisfaire à ses obligations. C’est là encore, d’une certaine manière, la négligence du propriétaire qui justifie que sa responsabilité puisse être recherchée en qualité de détenteur des déchets.

Il faut, toutefois,  souligner que, comme dans sa décision précitée du 26 juillet 2011, le Conseil d’Etat emploie le terme « notamment », ce qui laisse la porte ouverte à d’autres hypothèses dans lesquelles le propriétaire d’un terrain pourrait être regardé comme détenteur de déchets et, de ce fait, soumis à l’obligation de les éliminer.

2) En l’espèce, une installation classée avait été exploitée par une société mise en liquidation judiciaire ; du fait de cette liquidation, le propriétaire du terrain d’exploitation de l’installation s’était vu imposer de remettre en état le site, sur le fondement de la législation relative aux installations classées. Il recherchait alors la responsabilité de l’Etat pour se voir indemniser de ses préjudices nés, selon lui, de l’illégalité fautive des arrêtés préfectoraux lui prescrivant la remise en état du site.

Saisi du litige en appel, la Cour administrative d’appel de Paris a considéré que le propriétaire du terrain pouvait, en cette seule qualité, être regardé comme le détenteur des déchets polluant le sous-sol et les eaux souterraines du site et pouvait, dès lors, se voir imposer la dépollution du site sur le fondement de la législation relative aux déchets. Dans ces conditions, la Cour a estimé que l’illégalité fautive des arrêtés préfectoraux pris sur le fondement de la législation relative aux installations classées ne pouvait être regardée comme étant à l’origine des préjudices allégués par le propriétaire (CAA Paris, 11 mai 2012, n° 11PA01103).

Le Conseil d’Etat juge que la Cour a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur la seule qualité de propriétaire du terrain. Après avoir annulé l’arrêt attaqué sur ce point, le Conseil d’Etat renvoie l’affaire à la Cour administrative d’appel de Paris qui devra, cette fois, se prononcer sur la responsabilité du propriétaire du terrain au regard de l’ensemble des critères énoncés dans la décision commentée.