Focus sur l’ordonnance portant diverses dispositions en matière nucléaire (ordonnance n°2016-128 du 10 février 2016)

08/03/2016

Par Marylène Fourès

Prise sur le fondement de la loi relative à la transition énergétique , l’ordonnance n°2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, publiée au JORF du 11 février 2016, vient notamment achever la transposition des directives « déchets radioactifs » et « sûreté nucléaire » .

Un article à venir dans la revue Energie-Environnement-Infrastructures analysera de façon plus précise le contenu très riche de cette ordonnance, dont on peut d’ores et déjà relever les quatre axes principaux (déclinés en quatre chapitres) et les éléments essentiels suivants.

1) La gestion du combustible usé et des déchets radioactifs :

Les responsabilités en matière de gestion des déchets radioactifs sont précisées.

D’une part, en cas de défaillance des producteurs ou détenteurs, la responsabilité des combustibles usés et déchets radioactifs produits sur le territoire national incombe en dernier ressort à l’Etat, qui peut en confier la gestion à l’ANDRA.

D’autre part, en cas de défaillance ou d’insolvabilité de l’exploitant d’une installation nucléaire de base, les actionnaires majoritaires peuvent se voir imposer la constitution des provisions correspondant aux charges de démantèlement, ainsi que des actifs nécessaires à la couverture de ces provisions.

L’encadrement de la gestion des déchets radioactifs est renforcé. L’objet et le contenu du Plan national de gestion des déchets et matières radioactifs sont étoffés. L’ensemble du dispositif juridique et organisationnel en la matière fera désormais l’objet d’une évaluation, au moins tous les dix ans, par les ministres chargés de l’énergie et de la sûreté nucléaire, ainsi que d’une évaluation internationale par des pairs. Ces évaluations, comme le retour d’expérience et la prise en compte des évolutions techniques et scientifiques, doivent contribuer à améliorer le dispositif.

Le principe d’interdiction du stockage en France des déchets radioactifs étrangers est complété, afin de prévoir de façon symétrique le stockage en France des déchets radioactifs produits sur le territoire national, y compris lorsque ceux-ci ont été expédiés à l’étranger à des fins de recherche ou de traitement.

2) La sûreté et la transparence au sein des installations nucléaires de base :

Comme en matière de déchets, le cadre juridique et organisationnel en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection fera l’objet d’une évaluation décennale par les ministres responsables et par l’ASN , ainsi que d’un examen international par des pairs. De même, une évaluation portant sur un thème spécifique de sûreté ou radioprotection sera organisée tous les dix ans et soumise à un examen international par des pairs (sous l’égide de l’AIEA ).

Les compétences de l’ASN sont clarifiées et une nouvelle commission des sanctions, composée de deux conseillers d’Etat et de deux conseillers à la Cour de cassation, est créée en son sein pour prononcer les amendes administratives (dans le respect du principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement).

Par ailleurs, il est désormais fait application du dispositif général de contrôle et de sanctions administratives et pénales prévu par les articles L. 171-1 et suivants du Code de l’environnement. Les sanctions sont néanmoins aggravées ; en particulier, le montant maximal de l’amende pour manquement aux dispositions applicables aux INB est fixé à 10 millions d’euros.

Les responsabilités de l’exploitant de l’INB, comme les ressources dont il doit disposer, sont explicitées. De même, la responsabilité du propriétaire (du terrain, comme aussi désormais de l’installation) se trouve aggravée puisque l’administration pourra lui imposer des prescriptions ou même des sanctions en cas de défaillance de l’exploitant et que le propriétaire doit, dès lors, disposer des ressources techniques, financières et humaines lui permettant d’exercer cette responsabilité – ce qui ne manquera pas de susciter des difficultés en pratique.

Le réexamen de sûreté est requalifié de réexamen périodique, afin de souligner son caractère transversal, couvrant tous les éléments visés à l’article L. 593-1 du Code de l’environnement (sécurité, santé et salubrité publiques, protection de la nature et de l’environnement).

3) Les activités nucléaires relevant du Code de la santé publique :

Les dispositions du Code de la santé publique relatives aux rayonnements ionisants sont modifiées, en particulier pour ce qui concerne les régimes de déclaration et d’autorisation des activités nucléaires, avec l’instauration d’un nouveau régime d’enregistrement.
Le dispositif de contrôle et de sanctions par l’ASN et les inspecteurs de radioprotection désignés en son sein est renforcé, notamment par un renvoi aux dispositions générales du Code de l’environnement en la matière (titre VII du livre I).

La surveillance du risque d’exposition au radon et l’information des populations concernées, notamment dans le cadre des ventes et locations d’immeubles, sont imposées dans les nouvelles « zones à potentiel radon » qui seront définies par arrêté des ministres chargés de la radioprotection, du travail et de la construction.

4) Les contrôles et sanctions pour la protection des matières nucléaires :

Les dispositions du Code de la défense relatives à la protection des matières nucléaires, à la fois contre le risque de prolifération de ces matières, mais aussi désormais contre le risque terroriste, sont modifiées.

Outre le régime de contrôle existant, reposant sur une déclaration ou une autorisation préalable des activités impliquant des matières nucléaires, les nouvelles dispositions renforcent le dispositif de sanctions administratives, de nouveau par référence au système de sanctions graduées du titre VII du livre I du Code de l’environnement (possibilités de suspension, amende administrative, astreinte, consignation et travaux d’office). Le montant maximal de l’amende administrative encourue est fixé à 10 millions d’euros, afin d’exercer un effet réellement dissuasif.

Les contrôles, à la fois sur le plan administratif et sur le plan judiciaire, sont confiés à des inspecteurs de la sécurité des matières nucléaires, de leurs installations et de leurs transports.