Gestion individuelle de portefeuille et responsabilité du PSI. CA Paris, pôle 5, 7e ch., 14 févr. 2012, n° 10/18267 Numéro JurisData : 2012-002006

04/09/2012

Dans un arrêt à la motivation particulièrement détaillée, la Cour d’appel de Paris statue sur les obligations précontractuelles et contractuelles du prestataire de services d’investissement dans le cadre de la gestion individuelle de portefeuille, offrant ainsi l’occasion d’en faire un rappel synthétique.

Ces obligations consistent principalement dans :

  1. L’évaluation du client potentiel lors de l’entrée en relation, qui implique une obligation de se renseigner sur le patrimoine, les objectifs et les compétences en matière financière dudit client, de manière à permettre de lui fournir une information adaptée[1].

L’examen des compétences du client potentiel en matière financière va permettre de le classer en client averti ou néophyte, et donc de définir le niveau d’information qui lui est due. Le PSI a en effet l’obligation de mettre en garde le client néophyte sur les risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marché à terme, hors les cas où il en a connaissance, le client averti ne bénéficiant pas d’une telle obligation[2].

  1. Une obligation de gérer le portefeuille confié avec diligence et au mieux des intérêts de son client.

Le gestionnaire n’a qu’une obligation de moyen dans la réalisation des objectifs d’investissement sélectionnés par son client et la jurisprudence apprécie la bonne exécution de cette obligation non aux résultats obtenus mais au comportement du gestionnaire. Son comportement est apprécié in abstracto et est apprécié au moment où les actes ont été accomplis, eu égard aux circonstances de l’époque.

  1. Une obligation d’information en cours d’exécution du mandat de gestion de portefeuille sur la composition du portefeuille et les opérations réalisées par le gestionnaire, informations en général transmises par l’envoi des avis d’opéré et de reportings mensuels, trimestriels et des rapports semestriels sur la gestion.

Les faits de l’espèce :
En 1999, le fondateur et actionnaire d’une société leader dans l’édition des logiciels de gestion, ayant déjà investi à titre personnel des montants importants dans des sociétés cotées du secteur des TMT (Technologies/Media/Telecom), et résiléi un précédent mandat de gestion avec un prestataire concurrent, a souscrit auprès d’une société de gestion deux contrats de mandat de gestion de portefeuille à orientation dynamique investis essentiellement en valeurs technologiques (TMT) conformément à ses attentes.

Suite à l’effondrement soudain de ce marché, le client donne l’ordre au gestionnaire de liquider son portefeuille en septembre 2001, alors que les investissements étaient prévus pour être conservés à moyen voire long terme, subissant en conséquence des pertes importantes sur ses placements.
Se prévalant de lourdes pertes financières attribuées à la mauvaise gestion de ses portefeuilles, le client a assigné la société de gestion, lui reprochant le non respect de ses obligations tant précontractuelles que contractuelles ci-dessus définies.
Sa demande est rejetée par la Cour d’appel qui prend soin de motiver précisément le rejet de chaque grief.

Sur la solution retenue par la Cour d’appel :

Elle est en substance la suivante :

Sur les obligations précontractuelles du gestionnaire – la Cour d’appel, contrôlant la bonne exécution du prestataire de son obligation d’évaluation et de mise en garde, retient que la société s’est informée lors de la négociation des mandats de gestion litigieux :

  • du parcours de son client,
  • de son environnement professionnel et personnel,
  • de l’origine des fonds placés,
  • de la composition du portefeuille constitué par le précédent mandataire.

Elle juge par ailleurs que la société n’était pas tenue de l’obligation de mise en garde envers le demandeur, en retenant, d’une part que le mandat de gestion excluait les opérations spéculatives sur les marchés à terme, et d’autre part qu’il ne pouvait être qualifié de néophyte, ayant antérieurement à la signature des mandats de gestion, investi à titre personnel des montants importants dans des sociétés cotées du secteur des TMT, ne pouvant ainsi ignorer les risques inhérents à ce type d’investissements.

Sur les obligations contractuelles du gestionnaire – S’agissant de la gestion, la Cour reprend la jurisprudence classique qui veut que le seul fait de ne pas réaliser les plus values escomptées n’engage pas la responsabilité du gestionnaire dès lors que celui-ci a exercé son mandat avec la diligence et la prudence requise.
La Cour s’est assurée que le gestionnaire a réalisé une gestion cohérente compte tenu des conditions du marché et retient qu’il n’est pas fautif d’alléger le portefeuille en titres technologiques dès 2000 sans liquider totalement les valeurs en chute dès lors qu’il n’est pas établi que la tendance à la baisse du marché des TMT s’inscrit sur le long terme. Elle juge également non fautive la réorientation de la stratégie d’investissement du portefeuille en 2001 au regard de l’absence de remontée des valeurs technologiques, estimant que cette réorientation témoigne au contraire de la réactivité du gestionnaire face à l’évolution du marché.

S’agissant de l’obligation contractuelle d’information, la Cour s’est assurée que le gestionnaire a transmis de manière suivie l’information due à son mandant par l’envoi d’avis d’opéré, ainsi que des relevés trimestriels et compte rendus de gestion semestriels. Elle note de plus le ton familier des termes d’une conversation téléphonique enregistrée en septembre 2001, qui témoigne selon elle de relations habituelles entre le mandant et le gestionnaire.


[1] Textes successifs consacrant cette obligation : L. n° 96-597, 2 juill. 1996, art. 58, 4°. – COB, règl. n° 96-03, art. 19, al. 1 puis C. monét. fin., art. L. 533-4 4°. – AMF, RG, art. 322-63, al. 1 ;  C. monét. fin., art. L. 533-13-I. – AMF, RG, art. 314-44

[2] Règle posée par l’arrêt Buon – cass. Com. 5/11/1991 n°89-18.005