La preuve de l’information donnée par le professionnel de santé (Cass. 1ère civ., 6 février 2013, n°12-17423)

24/04/2013

La charge de la preuve incombe au professionnel de santé. Elle peut être rapportée par tous les moyens[1]. Pour autant, la jurisprudence déjà exigeante sur le contenu de l’information qui doit être délivrée[2] fait là aussi preuve de fermeté.

Certes l’arrêt du 12 juin 2012 (n°11-18.928) approuve l’arrêt de la Cour d’appel qui retient l’existence d’une même intervention antérieure (arthrodèse vertébrale) par le même praticien avec un résultat favorable, des consultations à de nombreuses reprises suivies de courriers au médecin traitant avant l’intervention qui démontrent le soin pris pour analyser avec la impatiente, en liaison avec son médecin traitant, l’ensemble des éléments de nature à fonder un choix éclairé, établissant que le patient avait reçu toute l’information nécessaire sur l’objectif, les conséquences et les risques prévisibles, le risque qui s’est ici réalisé étant un syndrome de la queue de cheval.

La jurisprudence a déjà admis que le dossier médical tenu par le médecin et une lettre adressée par celui-ci à un correspondant auquel il avait adressé la patiente étaient des éléments suffisants pour démontrer que le praticien avait rempli son obligation d’information[3].

Mais les éléments apportés pour prouver le « fait juridique » doivent être pertinents pour être considérés comme suffisants. En principe, il s’agit bien d’une appréciation souveraine des juges du fond.

Pourtant l’arrêt de cassation rendu le 6 février 2013[4] doit retenir l’attention. En l’espèce, la patiente avait signé une autorisation d’opérer avec accord sur l’information qui lui a été donnée[5], mais ce seul élément qui avait été considéré comme suffisant par la Cour d’appel ne suffit pas à la cour de cassation qui reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si le médecin n’avait pas failli à son obligation d’expliciter les risques précis de l’abdominoplastie en ajoutant « notamment par la remise d’une brochure exhaustive, telle que celle qui avait été remise à Madame X… lors de la seconde intervention chirurgicale ».

Si la preuve est libre, la tendance est bien de la rapporter par écrit par le biais d’un consentement signé du patient. Mais la portée générale qu’il peut avoir, sans mention explicite et précise des risques encourus, ne peut suffire à établir la pertinence de l’information donnée.

La remise concomitante d’une « brochure exhaustive », formulaire de société savante ou autre document établi, pourrait ainsi permettre de justifier de l’information donnée sur les risques précis de l’intervention envisagée.

Les recommandations HAS de mai 2012, considérant que le dossier contenant les informations de santé relatives à la personne mentionne les informations majeures qui lui ont été délivrées et que ces mentions suffisant à servir de moyen de preuve en cas de litige, précisent qu’il n’y a pas lieu de demander à la personne une confirmation signée de la délivrance de l’information et de même lorsqu’il existe des documents d’information destinés aux patients, ces documents n’ont pas à être signés par la personne.

Bien sûr, la délivrance d’écrits n’a pas pour vocation de se substituer à l’échange oral personnalisé, d’ailleurs imposé par l’article L. 1111-2 du code de la santé publique,  mais dont il sera néanmoins compliqué de prouver la réalité et la teneur.

On voit bien que c’est un faisceau d’indices qui va forger la conviction des juges et l’écrit signé du patient, s’il n’est pas suffisant en soi, reste l’un des éléments – encore attendu par les juges – qui pourra en cumul avec d’autres justifier de l’information donnée et de son adaptation à la situation personnelle du patient.


[1] Cass. 1ère civ., 14.10.1997 n°95-19609 (Guyomar) ; cass.1ère civ., 12 juin 2012 n°11-18-928.

[2] Cass. 1ère civ., 28 nov. 2012, n°11-26.516.

[3] Cass. 1ère civ., 4 janvier 2005, n°02-11.339.

[4] Cass. 1ère civ., 6 février 2013, n°12-17423.

[5] « j’accepte l’opération chirurgicale proposée par le docteur Y…. Je sais qu’il n’existe pas d’acte chirurgical sans risque et que des complications sont possibles même si l’intervention est conduite normalement ; je reconnais que la nature de l’opération prévue ainsi que ses avantages et ses risques m’ont été expliqués en termes que j’ai compris, le docteur Y… a répondu de façon satisfaisante à toutes les questions que je lui ai posées. J’ai bien noté que toute intervention peut comporter des difficultés qui peuvent contraindre mon chirurgien à en modifier le cours dans l’intérêt de mon état de santé actuel et futur ».