La recevabilité d’une action introduite par des salariés aux côtés du commissaire à l’exécution du plan : la double peine ? (Cass.com. 2 juin 2015, n°13-24714)

02/07/2015

Par Marine Simonnot

  • Rappel du principe :

Le commissaire à l’exécution du plan, une fois qu’il est désigné, a pour mission d’agir dans l’intérêt collectif des créanciers. Il bénéficie d’un monopole de représentation de l’intérêt collectif des créanciers et toute action qui relèverait de ce monopole et qui serait introduite par un autre que lui serait irrecevable. La solution est logique puisque le produit de l’action est alors réparti entre tous les créanciers de la procédure collective.

En revanche, le demandeur qui justifie avoir subi un préjudice spécial et distinct des autres créanciers de la procédure collective est recevable à agir ; son action ne relève alors pas du monopole du commissaire à l’exécution du plan et le produit de son action bénéficiera à lui seul en réparation du préjudice qu’il a subi.

  • Le cas d’espèce :

Dans le cadre d’un contentieux engagé par un commissaire à l’exécution du plan à l’encontre d’un établissement de crédit auquel il était reproché l’octroi d’un crédit ruineux au bénéfice de la société placée ultérieurement en redressement judiciaire, des salariés qui avaient été licenciés étaient intervenus volontairement à l’instance. Les salariés avaient sollicité de l’établissement bancaire réparation de leurs préjudices résultant de la perte de leurs emplois et de la perte de leurs rémunérations à venir.

Il s’agissait donc de savoir si l’action exercée par les salariés à l’encontre de l’établissement de crédit relevait du monopole de représentation du commissaire à l’exécution du plan ou si les demandeurs justifiaient avoir subi un préjudice spécial et distinct des autres créanciers de la procédure collective et étaient donc recevables en leur action.

  • La décision :

La cour d’appel avait estimé que les salariés n’étaient pas recevables en leur action au motif que le préjudice qu’ils invoquaient était inhérent à la procédure collective et relevait, par conséquent, du monopole du commissaire à l’exécution du plan.

La Cour de cassation estime au contraire que « l’action en réparation des préjudices invoqués par les salariés licenciés, étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, ne relevait pas du monopole du commissaire à l’exécution du plan ».

  • Le sens de la décision :

La Cour de cassation ne s’est prononcée que sur la recevabilité de l’action introduite par les salariés.

Il appartiendra donc à la cour d’appel de renvoi d’apprécier si l’action des salariés, reconnue recevable, est ou non fondée, c’est-à-dire notamment s’ils justifient d’un préjudice ouvrant droit à réparation et si la faute qui est reprochée à l’établissement de crédit présente un lien de causalité avec le préjudice invoqué.

Les salariés qui ont d’ores et déjà par les AGS, peuvent-ils prétendre à une indemnisation complémentaire ?

C’est à cette question que la cour d’appel de renvoi devra notamment répondre.

La solution à intervenir est donc attendue.

L’avenir nous dira si cette décision ouvre ou non de nouveaux droits aux salariés dès lors que l’on pourrait rechercher la responsabilité de tiers dans la déconfiture de l’employeur. Cela entraînerait une multiplication des procédures, ce que certains apprécieront et que d’autres regretteront. Pour rappel, 150 000 emplois sont supprimés du fait de la liquidation judiciaire des entreprises chaque année.

La solution rendue sous l’empire de la loi antérieure à la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 reste pleinement transposable aux textes en vigueur à ce jour puisque l’article 626-25 du code de commerce dispose que « le commissaire à l’exécution du plan est également habilité à engager des actions dans l’intérêt collectif des créanciers ».

Il en est de même du mandataire judiciaire et du liquidateur judiciaire en vertu des articles L. 631-14 I et L. 641-4 du code de commerce.

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