L’obligation de loyauté du ministère public

09/03/2016

Par Guillaume Brillatz

Arrêt du 17 novembre 2015
N° pourvoi 14-17.607 ; 14-22.222, Publié au bulletin

Les faits :
Sur requête du ministère public, un gérant de société en liquidation judiciaire est condamné à une mesure de faillite personnelle pour une durée de 12 ans.

Sur simple visa des conclusions du ministère public, la cour confirme la décision du tribunal.

Si les conclusions du ministère public devant la cour ont bien été remises à la cour, il n’apparaît pas qu’elles aient été communiquées au dirigeant de la société.

La question posée :
Le simple visa des conclusions écrites du ministère public peut-il suppléer l’absence de précisions de l’arrêt quant à la communication en temps utile de ces conclusions à la partie adverse ?

La solution :
L’arrêt de la cour d’appel est cassé sur le fondement de l’article 6 alinéa 1 de la CEDH au motif…

« Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si…{la partie adverse} avait reçu communication des conclusions écrites du ministère public, qui intervenait comme partie principale et avait pu y répondre utilement, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle ».

Observations : Piqûre de rappel
Le ministère public, en sa qualité de partie, doit respecter les principes directeurs du procès civil que sont le droit à un procès équitable, le principe du contradictoire qui inclut la loyauté des débats et l’égalité des armes. Le juge doit s’assurer que ce principe de la parité de la loyauté a bien été respecté.

Faute par le juge de contrôler lui-même le respect du contradictoire et d’en justifier, il s’expose à une censure de la Cour de cassation.

Ces principes doivent être d’autant plus respectés lorsque le ministère public agit comme partie principale.

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de rendre des décisions identiques[1] dans le cas où le Ministère Public était partie jointe, en se fondant sur les articles 6-1 de la CEDH et 16 du code de procédure civile assurant ainsi le respect du principe du contradictoire par le juge et entre les parties.

La morale :
Comme le relève un éminent représentant du Ministère Public, Monsieur Christophe Delattre :

« Comment peut-on accepter que le ministère public, garant de l’ordre public, ne soit pas loyal, qu’il conclue et verse aux débats des pièces sans permettre à la partie adverse d’en prendre connaissance et d’y répondre ?

Le statut du magistrat du Parquet ne lui permet pas de s’exonérer du principe du contradictoire. La loyauté des débats doit être la règle.»[2]

L’arrêt du 17 novembre 2015 rappelle que cette communication se fait sous le contrôle effectif du juge.

Lien Légifrance

[1] V. dans le cas où le Ministère Public était partie jointe : Cass. com., 15 février 2011, n° 09-72.285 ; Cass. com., 3 décembre 2013, n° 12-29.334

[2] Les avis du ministère public, Rev. Proc. Coll., n° 5, Septembre 2014, étude 22.