Organismes sans but lucratif – vers un contrôle accru du dispositif du mécénat

18/03/2021

Le projet de loi « Confortant le respect des principes de la République » adopté par l’Assemblée Nationale le 16 février 2021 et transmis au Sénat, dont le but est  de lutter contre le « séparatisme » aura des répercussions sur la fiscalité des organismes sans but lucratif (OSBL). En effet, pour lutter contre le financement d’idéologies séparatistes, le gouvernement entend renforcer son contrôle sur le régime fiscal du mécénat pour que ces réductions d’impôts ne profitent pas à ceux contre qui la loi entend lutter.

Le gouvernement veut mieux contrôler la condition d’intérêt général qui justifie l’application des réductions d’impôt et  renforcer les conditions du bénéfice du régime du mécénat pour les entreprises.

Ce faisant, en l’état, il s’agit bien d’un contrôle accru de l’ensemble des OSBL que le projet de loi propose de mettre en place.  

Le nouveau contrôle de l’administration

Les avantages fiscaux accordés aux donateurs sont, en principe, conditionnés à ce que l’organisme remplisse une mission d’intérêt général présentant un des caractères limitativement énumérés par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts (CGI) (notamment les organismes  à « caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique… »).

Le rapport de la commission de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi relève que « en l’état actuel du droit, l’administration fiscale dispose de moyens limités pour contrôler que les organismes qui bénéficient de ces incitations fiscales remplissent les conditions d’éligibilité ».

Ainsi l’article 10 du projet de loi propose la réécriture de l’article L. 14 A du livre des procédures fiscales pour permettre à l’administration de vérifier le bien-fondé de l’éligibilité des dons et versements reçus par un organisme aux réductions d’impôt et s’assurer que cet organisme respecte bien, le cas échéant, les conditions prévues aux articles 200, 238 bis et 978 du CGI.

La définition légale de l’intérêt général étant particulièrement vaste, cette disposition donnera un pouvoir d’appréciation important à l’administration fiscale ce qui pourrait être une nouvelle source de contentieux.

Par ailleurs, à ce stade du projet de loi, le texte reste flou sur les modalités de ce nouveau contrôle qui ne présentent pas de garanties de procédure en faveur des OSBL similaires à celles qui existent en droit commun pour l’ensemble des contribuables. 

Renfort des moyens de contrôles  du dispositif mécénat aux entreprises.

L’article 11 du projet de loi crée un article 222 bis au CGI qui impose aux organismes délivrant des reçus fiscaux de déclarer annuellement à l’administration le nombre de documents délivrés ainsi que le montant global des dons et versements perçus.

Actuellement les particuliers qui souhaitent bénéficier des réductions sur l’impôt sur le revenu et sur la fortune immobilière doivent être en mesure de présenter les reçus fiscaux des organismes qui reçoivent ces dons. Cette obligation qui n’existe actuellement  pas pour les réductions d’impôts consenties aux entreprises est mise en place par l’article 11 du projet de loi.

L’article 11 insère ainsi une nouvelle disposition dans l’article 238 bis du CGI qui prévoit que le bénéfice de la réduction d’impôt sur les sociétés dont peut bénéficier une entreprise à raison de ses dons et versements est subordonné à la condition qu’elle « soit en mesure de présenter, à la demande de l’administration fiscale, les pièces justificatives répondant à un modèle fixé par l’administration attestant la réalité de ces dons et versements ».

Ces dispositions ont pour but de mieux mesurer l’ampleur des réductions d’impôt accordées et de faciliter les contrôles fiscaux.

En tout état de cause, le chemin de ce texte jusqu’à sa promulgation est encore long. Ce texte -très politique- doit encore passer devant le sénat, et, le cas échéant, devant le Conseil constitutionnel. Le sort des OSBL n’est pas encore fixé.

Laetitia Squercioni, associé UGGC Avocats et Gaspard Salvator, stagiaire UGGC Avocats