Responsabilité pénale des personnes morales : seule la faute d’un organe ou d’un représentant peut engager pénalement la société

03/02/2016
  1. Le cadre légal et jurisprudentiel de la responsabilité pénale des personnes morales

La loi – Les conditions de mise en œuvre de cette responsabilité sont posées par l’article 121-2 du Code pénal :

« Les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public.

La responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3 ».

Ainsi, une société de droit privé ne peut voir sa responsabilité pénale engagée qu’en présence de trois conditions cumulatives :

  1. une infraction doit avoir été commise[1];
  2. l’infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale ;
  3. l’infraction doit avoir été commise par l’un de ses organes ou représentants.

Une jurisprudence évolutive – La Chambre criminelle a pendant un temps perdu de vue les conditions fixées par ce texte en même temps que le principe d’interprétation stricte de la loi pénale[2], en validant des arrêts de cours d’appel condamnant les sociétés sans avoir recherché l’organe ou le représentant ayant commis la faute entraînant l’application de l’article 121-2[3].

Etait alors retenue une sorte de faute pénale autonome, diffuse et sans auteur, reprochée directement à la société elle-même par une présomption d’imputabilité dans le chef des organes ou représentants, le cas échéant en usant du concept de politique commerciale de la société[4].

De fait, l’élément moral de l’infraction disparaissait, en matière délictuelle, et ne restait plus qu’un délit matériel.

*         *         *

La Cour de cassation est heureusement revenue à une application stricte du texte de l’article 121-2, conforme au principe posé par l’article 111-4 du Code pénal.

Ainsi, la Chambre criminelle a récemment cassé plusieurs arrêts de cours d’appels imputant aux sociétés poursuivies une responsabilité pénale directe.

Ce fut le cas le 11 octobre 2011[5] :

« Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que, le 29 avril 2004, à Ducos (Martinique), alors que M. Z…, employé temporaire de la société Travaux électriques martiniquais (TEM) à laquelle la société Electricité de France (EDF) avait fait appel pour procéder au remplacement d’isolateurs et de parafoudres, faisait l’ascension d’un poteau électrique, sa longe a heurté des conducteurs du réseau encore placés sous tension, provoquant une forte décharge électrique qui, en lui faisant lâcher prise, a entraîné sa chute mortelle d’une hauteur de 8,40 mètres du sol ;

Attendu que MM. X… et Y…, agents de la société EDF chargés de procéder conjointement aux différentes opérations préalables aux travaux effectués par M. Z…, ont été déclarés coupables d’homicide involontaire pour avoir, dans le cadre du travail, par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, provoqué la mort de M. Z…, faute pour eux de s’être assurés de la mise hors tension d’un poteau électrique sur lequel ils avaient laissé l’employé intervenir ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné la société EDF pour homicide involontaire, l’arrêt retient, notamment, que l’infraction a été commise par MM. X… et Y…, qui, leur statut et leurs attributions étant clairement définis, étaient les représentants de la société EDF « nonobstant l’absence formelle de délégation de pouvoirs » ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, sans mieux s’expliquer sur l’existence effective d’une délégation de pouvoirs ni sur le statut et les attributions des agents mis en cause propres à en faire des représentants de la personne morale, au sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ; »

L’application du principe était réaffirmée de façon encore plus claire le 11 avril 2012[6] :

« Attendu que, pour déclarer la société Gauthey coupable de blessures involontaires et d’infraction à la sécurité des travailleurs, à la suite d’un accident du travail subi par M. Y…, salarié sous contrat de professionnalisation qui avait œuvré  sur un chantier de cette entreprise, la cour d’appel, infirmant sur ce point le jugement entrepris, retient par les motifs repris au moyen qu’à défaut d’avoir dispensé une formation pratique et appropriée, la personne morale a créé la situation ayant permis la réalisation du dommage ou n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants de la société Gauthey, et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société, au sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; »

Le 2 octobre de la même année[7], la Chambre criminelle cassait encore un arrêt d’appel, sur le fondement d’un attendu similaire :

« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à l’occasion de travaux d’aménagement d’une école, deux employés de la société Charpente Euro Picardie, sous-traitant de la société Charpentes et traditions bois, qui travaillaient à la mise en place de la charpente, ont été blessés par l’écroulement d’un mur de façade et de ladite charpente ; que l’un d’eux est décédé des suites de ses blessures et que l’autre a subi une incapacité de moins de trois mois ; que la société BTT chargée de la maçonnerie et la société Charpentes et traditions bois ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel par ordonnance d’un juge d’instruction pour être jugées des chefs d’homicide involontaire et blessures involontaires ayant entraîné une incapacité inférieure à trois mois ; que déclarées coupables de ces infractions par le premier juge, elles ont relevé appel de la décision, de même que le ministère public ;

Attendu que, pour confirmer la culpabilité des sociétés appelantes, la cour d’appel prononce par les motifs repris aux moyens ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants des sociétés prévenues, et s’ils avaient été commis pour le compte de ces sociétés, au sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; »

Cette position était encore une fois confirmée en 2013[8], au visa express de l’article 121-2 du Code pénal.

En 2014, au moins trois arrêts de cassation étaient rendus sur le même fondement[9] [10] [11].

  1. Le représentant de la personne morale au sens du droit pénal

En principe, la personne pénalement responsable au sein de l’entreprise est son représentant légal.

A ce titre, il peut s’agir :

  • du gérant (pour les sociétés en nom collectif[12], les sociétés civiles[13], les sociétés en commandite simple et les sociétés à responsabilité limitée[14]),
  • du directeur général[15] (pour les sociétés anonyme à conseil d’administration),
  • du directeur général unique[16] ou des membres du directoire et/ou du membre du directoire[17] (pour les sociétés anonyme à directoire),
  • du président ou de tout organe ou personne physique désignés par les statuts[18] (pour les sociétés par actions simplifiée).

Le dirigeant peut néanmoins transférer cette responsabilité à d’autres personnes au sein de la société, au moyen d’une délégation de pouvoir.

Cet acte transfère alors sa propre responsabilité pénale vers le délégataire, d’autant plus certainement que l’acte comportera certaines qualités substantielles telles que :

  • le caractère certain et sans ambiguïté de la délégation ;
  • un objet précis ;
  • une délégation expresse et non tacite ;
  • un délégataire unique par domaine délégué ;
  • une acceptation éclairée par le délégataire.

Toutefois, cette seule délégation ne suffit pas, aux yeux du juge pénal, à opérer transfert de la responsabilité pénale, si elle n’est pas entourée de conditions, dégagées par la jurisprudence.

Cette dernière a ajouté trois conditions cumulatives à la délégation elle-même, dont le représentant légal doit démontrer la réalité afin de pouvoir se dégager de sa responsabilité pénale.

Le délégataire doit bénéficier :

  1. de l’autorité,
  2. de la compétence,
  3. des moyens

nécessaires à l’exercice des pouvoirs délégués par le représentant légal de la société.

Lorsque ces conditions sont réunies, le représentant légal de la société se trouve alors déchargé de sa responsabilité.

A l’inverse, la société demeure pénalement responsable des actes commis par le délégataire de pouvoir, dès lors que les conditions ci-dessus rappelées sont réunies.

  1. L’arrêt du 13 octobre 2015

Les faits portaient sur des infractions de blessures involontaires et de mise en danger de la vie d’autrui, après qu’une fillette eut été blessée par un manège, exploitée au sein d’un parc d’attractions.

Le manège avait été contrôlé quelques semaines avant les faits, les conditions d’exploitation ayant été validées par la société de certification.

Relaxés pour l’infraction de mise en danger, la société exploitant le manège et son dirigeant avaient été condamnés pour blessures involontaires, la société de certification étant également condamnée pour cette même infraction.

Statuant le 13 octobre 2015 sur le pourvoi de la société de certification (n° 14-84.760), la Chambre criminelle reprend tout d’abord la motivation retenue par la cour d’appel d’Angers :

« Attendu que, pour retenir l’existence d’une négligence fautive en lien direct avec l’accident, l’arrêt attaqué énonce par motifs propres et adoptés que le 12 avril 2010, la société Bureau Veritas France a procédé à un contrôle de sécurité dont le rapport comporte notamment pour toutes les rubriques « consignes de sécurité-présence de consignes de sécurité adaptées et conformes aux prescriptions du constructeur et à la réglementation applicable », une mention favorable ; que contrairement à ce que soutient la société, le contrôle qu’elle a réalisé était soumis aux dispositions de l’arrêté du 9 mars 2009 relatif aux modalités du contrôle de la sécurité des manèges et autres installations foraines, lequel impose de vérifier que les affiches et consignes destinées au public et aux usagers sont visibles et en bon état d’entretien ainsi que de s’assurer de la présence des consignes particulières liées à la spécificité du matériel, ce qui implique nécessairement de contrôler la conformité de cet affichage avec les consignes de sécurité du constructeur ; que les juges ajoutent que cette diligence n’a manifestement pas été accomplie par le salarié de la société et qu’il s’agit incontestablement d’une négligence ; que la cour d’appel retient par ailleurs que contrairement à ce que prétend la société prévenue, cette négligence est en lien direct avec l’accident dont a été victime Emeline Y… puisqu’elle a permis que les consignes inadaptées soient maintenues après le contrôle et donc qu’aucune interdiction ne lui soit faite d’utiliser une attraction qui n’était pas adaptée à son âge et à sa taille ; »

Bien que le lien direct soit – à juste titre – rejeté par la cour de cassation, cette dernière valide le raisonnement des juges d’appel sur la faute et le lien de causalité[19] :

« Attendu que, par ces énonciations, abstraction faite de la référence erronée mais surabondante au caractère direct du lien de causalité, la cour d’appel, qui a répondu comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions de la société Bureau Veritas France, a caractérisé sans insuffisance ni contradiction l’existence d’une faute de négligence et d’un lien causal avec le dommage subi par la victime ; »

A l’inverse, la Chambre criminelle a rejeté l’analyse de la cour d’appel sur la personne du représentant, tel que désigné par la cour d’appel :

« Mais sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d’une part, les personnes morales, à l’exception de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu que, d’autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour déclarer la société Bureau Veritas France coupable de contravention de blessures involontaires, l’arrêt attaqué retient que le salarié, chargé d’effectuer le contrôle pour lequel la société a été rémunérée, a agi pour le compte de cette société et en son nom et l’a donc représentée auprès de la société Plein air ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, sans constater l’existence d’une délégation de pouvoirs ni s’expliquer sur le statut et les attributions du salarié propres à en faire un représentant de la personne morale, au sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ; »

Une fois encore au visa de l’article 121-2 du Code pénal, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 13 octobre 2015, continue de tracer la ligne qu’elle a elle-même redéfinie de façon constante depuis 2011, rappelant :

  • que seuls les organes ou représentants sont susceptibles d’engager la responsabilité pénale de la société lorsqu’ils commettent une infraction ;
  • et qu’il appartient aux juges du fond de rechercher si ces organes ou représentants ont commis, pour le compte de la société, les faits dont la juridiction est saisie.

En outre, la Chambre criminelle rappelle qu’il appartient aux juges du fond de constater l’existence d’une délégation de pouvoir au profit du salarié auquel ils imputent la commission de la faute en lien avec le dommage.

En cela, la position de la cour de cassation est conforme à ses dernières décisions.

Néanmoins, on peut s’interroger sur la possibilité de retenir la responsabilité pénale des personnes morales sur la base de délégations tacites, eu égard au fait que la Chambre criminelle enjoint aux juges du fond de « s’expliquer sur le statut et les attributions du salarié propres à en faire un représentant de la personne morale ».

De deux choses l’une :

  • soit ces termes se rapportent aux conditions de compétence, de moyens et d’autorité déjà dégagés par la jurisprudence pour « solidifier » les délégations de pouvoir écrites et éviter les transferts de responsabilité infondés. Le « statut » et les « attributions» ne sont alors qu’une autre façon de désigner la même chose ;
  • soit il s’agit de critères, nouveaux[20] et particulièrement flous, dégagés par une jurisprudence en mouvement qui ne souhaite pas tarir les possibilités de poursuites pénales des personnes morales en s’octroyant la possibilité de décider, seule et de façon empirique, qu’un salarié représente la société qui l’emploie, alors même que ce dernier l’ignore.

Dans cette dernière hypothèse, le retour à l’interprétation stricte engagée en 2011 perdrait une grande partie de son sens puisque chaque salarié, en fonction de l’appréciation que ferait le juge pénal de son statut et de ses attributions, pourrait se voir « promu » représentant de la personne morale et engager la responsabilité pénale de son employeur.

[1]           Il existe une exception à ce principe, en matière d’infraction non-intentionnelle lorsque la faute, commise par une personne physique, est en lien de causalité indirect avec le dommage.

[2]           Article 111-4 du Code pénal : « la loi pénale est d’interprétation stricte ».

[3]           A titre d’exemple, voir Cass. Crim. 26 juin 2007, n° 06-84.821 :

« Attendu qu’en l’état de ces motifs, qui caractérisent, à la charge de la société Chemetall traitement de surface, l’existence d’une faute ayant contribué à l’accident, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors que, d’une part, les manquements également retenus à la charge du sous-traitant ou de ses préposés ne sauraient faire échapper la société demanderesse aux conséquences de sa propre faute et que, d’autre part, si les juges du fond ont déclaré cette dernière coupable de blessures involontaires sans préciser l’identité de l’auteur des imprudences ou négligences constitutives du délit, cette infraction n’a pu être commise, pour le compte de la personne morale, que par ses organes ou représentants ; »

[4]           Voir en ce sens : Cass. Crim. 25 juin 2008, n° 07-80.261 :

             « Attendu que, pour déclarer les sociétés pénalement responsables des infractions poursuivies, l’arrêt énonce que l’application combinée dans les contrats de commande de la ristourne différée et des clauses d’accord de coopération n’a d’autre but que de permettre à la SCA Légumes de récupérer, par l’intermédiaire d’ITM, auprès de CGC, le supplément de prix facturé par celle-ci, et de se constituer ainsi des marges arrières ;

             Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il se déduit que les infractions retenues s’inscrivent dans le cadre de la politique commerciale des sociétés en cause et ne peuvent, dès lors, avoir été commises, pour le compte des sociétés, que par leurs organes ou représentants, la cour d’appel a justifié sa décision ; »

             Voir dans le même sens Cass. Crim. 24 mars 2009, n° 08-86.530.

[5]           Cass. Crim. 11 octobre 2011, n° 10-87.212.

[6] Cass. Crim. 11 avril 2012, n° 10-86.974.

[7]           Cass. Crim. 2 octobre 2012, n° 11-84.415.

[8]           Cass. Crim. 19 juin 2013, n° 12-82.827.

[9]           Cass. Crim. 1er avril 2014, n° 12-86.501 :

             « Vu l’article 121-2 du code pénal ;

             Attendu que, selon ce texte, les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

             Attendu que, pour déclarer la société La Redoute coupable de contrefaçon, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

             Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale avait été commis pour son compte, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;

             D’où il suit que la cassation est encourue ; »

[10]          Cass. Crim. 6 mai 2014, n° 13-81.406 :

« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à la suite du décès accidentel de Pierre X…, écrasé par une presse à cartons dans le centre de tri des déchets de Pont-Audemer, la société Collectes valorisations énergie déchets (COVED), co-exploitante du site, chargée notamment de la mise à disposition des moyens techniques, a été poursuivie, en qualité de personne morale, du chef d’homicide involontaire ; qu’il lui était reproché d’avoir, par l’intermédiaire de ses organes ou représentants agissant pour son compte, involontairement causé la mort de Pierre X… en participant à la modification de la machine à l’origine du décès, en dépit de la notice d’utilisation interdisant toute modification de celle-ci, et en ne mettant pas en place de procédure de consignation et de déconsignation spécifique en cas d’opération de maintenance, et notamment de débourrage, alors que la machine présentait diverses non-conformités la rendant directement dangereuse pour la santé et la sécurité des employés intervenant sur elle ; que, déclarée coupable de cette infraction par les premiers juges, elle a relevé appel de cette décision, ainsi que le ministère public ;

Attendu que, pour confirmer la culpabilité de la société COVED, la cour d’appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants de la société prévenue, et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société, au sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; »

[11]          Cass. Crim. 2 septembre 2014, n° 13-83.956 :

             Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

« Attendu que, d’une part, les personnes morales, à l’exception de l’Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu que, d’autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’un salarié de la société Schaeffler France, qui effectuait la vidange d’un tunnel de lavage à la demande de son chef d’équipe, a été brûlé aux chevilles et à une main par le liquide bouillant s’échappant de la trappe d’évacuation qu’il était en train de manœuvrer ; qu’à la suite de ces faits, la société Schaeffler France a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à trois mois par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence ; que le tribunal ayant relaxé la prévenue, la partie civile et le ministère public ont relevé appel du jugement ;

Attendu que, pour infirmer la décision entreprise et déclarer la société Schaeffler France coupable, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi sans mieux rechercher, d’une part, si l’obligation de formation au stage en cause était constitutive d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence au sens de l’article 222-20 du code pénal dans sa rédaction alors applicable, d’autre part, si les faits reprochés avaient été commis, pour le compte de la personne morale poursuivie, par l’un de ses organes ou représentants au sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ; »

[12]          Article L 221-3, al. 1er du code de commerce.

[13]          Article 1846 du code civil.

[14]          Article L 223-18 du code de commerce.

[15]          Article. L 225-51-1, al. du code de commerce.

[16]          Article. L 225-58, al. 2 et L 225-59, al. 2 du Code de commerce.

[17]          Article L 225-64, al. 1er et 2 du code de commerce.

[18]          Article L 227-6 alinéa 3 du code de commerce.

[19]          Cette erreur de la cour d’appel était en effet sans conséquence pour la personne morale condamnée dans la mesure où la seule faute de négligence de son organe ou représentant peut entraîner sa condamnation pénale, que le lien avec le dommage soit direct ou indirect. Il en va différemment lorsqu’une personne physique est poursuivie.

[20] L’expression figurait déjà dans l’arrêt du 11 octobre 2011, n° 10-87.212.