Tribunal administratif de Montreuil, 14 juin 2012 – Donneur de gamètes, préservation de l’anonymat

24/07/2012

Les enfants nés d’un don de gamètes anonyme ont échoué à convaincre les politiques de leur autoriser l’accès à l’identité du donneur, et l’un d’entre eux a porté désormais son combat devant les tribunaux.

En l’espèce, par des décisions en date des 25 juillet 2010, un Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme (CECOS) d’un établissement public de santé ont implicitement rejeté les demandes d’une jeune femme tendant à la communication de documents et d’informations concernant le donneur de gamètes à l’origine de sa conception.

La requérante a saisi le Tribunal administratif de Montreuil aux fins notamment d’obtenir la communication du nom du donneur de gamètes à l’origine de sa conception, des données non identifiantes relatives au donneur, comme son âge, son éventuel décès, sa situation professionnelle et familiale au moment du don, sa description physique, les motivations de son don ainsi que des données non identifiantes de natures médicales telles que ses antécédents médicaux personnels et familiaux.

La demanderesse soutenait que, notamment, les dispositions de l’article 16-8 du code civil sont incompatibles avec les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La demanderesse soutenait qu’il n’existe aucun texte de droit positif justifiant le refus de communiquer à une personne conçue par insémination artificielle avec donneur des informations non identifiantes concernant le donneur à l’exception des informations de nature médicale le concernant dont la communication est prévue au bénéfice de son médecin dans certaines conditions.

Le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de la requérante en décidant que les informations contenues dans le dossier d’un donneur de gamètes utilisés lors d’une assistance médicale à la procréation constituent un secret protégé par la loi.

A l’appui de sa décision, le Tribunal rappelle les dispositions de l’article 16-8 du code civil, qui dispose qu’« aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur. En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci ». Par ailleurs, «il ne peut être dérogé à [la] règle [de l’anonymat], dans certaines conditions, qu’au profit des autorités sanitaires, des praticiens agréés pour les activités cliniques d’assistance médicale à la procréation et des médecins dans l’intérêt thérapeutique de l’enfant ainsi conçu ». Le tribunal considère ainsi que la requérante ne fait pas partie « des personnes et autorités auxquelles la loi réserve strictement l’accès à certaines données concernant les donneurs de gamètes ».

Enfin, le Tribunal rappelle les dispositions de l’article 8 de la Convention Européenne des droits de l’homme aux termes desquelles « 1.Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». Le Tribunal retient que « les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui ont pour objet d’assurer un juste équilibre entre l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde de la vie privée, y compris dans les relations des individus entre eux, laissent au législateur une marge d’appréciation étendue en particulier dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation, tant pour choisir les modalités de mise en œuvre d’une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre les objectifs poursuivis par la loi ».

Pour rappel, lors de l’examen du projet de loi sur la bioéthique, la question de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes avait été au centre des débats parlementaires. Cette loi a été promulguée le 8 juillet 2011 en conservant le principe d’anonymat.

Cette décision maintient l’anonymat du don de gamètes, dans la lignée de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel reconnaissant la régularité de la procédure d’accouchement sous X (Cons. Constit. 16 mai 2012, n°2012-248 QPC).