Un moyen de forme à l’appui d’une demande en annulation d’un jugement administratif : le non-respect de l’obligation posée à l’article R. 711-3 du CJA (CAA Nantes 14/12/2012, n°11NT0297)

16/04/2013

L’article R. 711-3 du CJA  précise « si le jugement de l’affaire doit intervenir après le prononcé des conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue d’audience, le sens de ces conclusions sur l’affaire qui les concerne ».

1. Pour la Cour administrative d’appel de Nantes, cette disposition implique nécessairement, à peine d’irrégularité du jugement, que cette communication doit porter certes sur la solution proposée par le rapporteur public à la formation de jugement, mais aussi sur les moyens lui paraissant fonder à titre principal cette solution.

La décision a été rendue dans le cas particulier d’un jugement d’annulation de la décision du ministre du travail qui avait fait droit au recours hiérarchique d’un employeur contre la décision de l’inspecteur du travail refusant une autorisation de licenciement d’une salariée.

Le rapporteur public avait proposé de donner satisfaction à la salariée et la communication de ses conclusions mentionnait qu’il concluait à l’annulation totale de la décision du ministre du travail, sans cependant préciser le ou les moyens sur lesquels il entendait se fonder. Le tribunal l’a suivi, fait droit au recours de la salariée  et a annulé la décision  du Ministre du travail

Sur appel de l’employeur, la Cour administrative d’appel a considéré l’information donnée sur le sens des conclusions du rapporteur public, trop imprécise pour permettre à l’employeur d’en discuter utilement le contenu lors de l’audience publique et a fait droit à la demande d’annulation du jugement rendu ainsi sur une procédure irrégulière.

2. On se souvient qu’avant le décret n°2009-14 du 7 janvier 2009 dont est issu l’article R. 711-3 du CJA, les parties n’avaient pas la possibilité d’obtenir la communication avant l’audience des conclusions du commissaire du gouvernement devenu rapporteur public, sauf demande préalable de la partie intéressée (CE 26 avril 2006, n°265039), le sens des conclusions ainsi transmises ne pouvant être modifié sauf à information préalable de la partie et nonobstant la possibilité de produire une note en délibéré (CE 5 mai 2006, n°259957).

Le décret n°201-1950 du 23 décembre 2011 est  venu compléter l’article R. 711-3 du CJA et Le décret n°2009-14 du 7 janvier 2009, complété par celui n°201-1950 du 23 décembre 2011[1], donne un fondement textuel à la jurisprudence du Conseil d’Etat et prévoit ainsi les modalités de mise en œuvre de la communication du sens des conclusions du rapporteur public.

3. Concrètement, cette communication est faite par la juridiction concernée sur le site Sagace deux à trois jours avant l’audience.

Mais cette consultation sur Sagace impose de connaître le code donné à l’affaire. Le Conseil d’Etat a ainsi considéré que cette seule mise en ligne sur l’application sagace n’était cependant pas suffisante pour conclure au respect des dispositions de l’article R. 711-3 du CJA, notamment lorsqu’une partie a été mise dans l’impossibilité d’y accéder faute de communication du code d’accès (CE 2 février 2011, n°330641 et CE 6 mai 2011, n°339627).

4. Dans cet arrêt  du 14 décembre 2012, la Cour administrative d’appel de Nantes vient ici préciser le contenu de la communication qui doit être donnée : elle doit porter sur la solution proposée et sur les moyens qui en sont le soutien.

La Cour demande ainsi une information complète, transparente, dans le sens des principes généraux régissant la procédure devant la juridiction administrative et du principe du respect du contradictoire afin de permettre aux parties de disposer égalitairement des mêmes armes avec la connaissance de des arguments et moyen de chacun pour apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique et d’y présenter des observations orales, voire de produire une note en délibéré.

Notons que l’arrêt vise expressément le seul cas où il est envisagé de proposer de donner satisfaction au requérant.

A n’en pas douter cependant, cette obligation peut se décliner dans l’ensemble des cas et qu’il s’agisse de recours de plein contentieux ou pour excès de pouvoir.

Alors, bien sûr les parties doivent avoir le réflexe d’aller vérifier les mentions portées sur Sagace, la juridiction ayant dû, de son côté, faire l’effort d’exposer – de manière sommaire mais explicite – les moyens déterminants de la solution qui sera proposée par le rapporteur public à la formation de jugement.

La logique de cette évolution conduira peut-être à la communication intégrale du rapport public ne serait-ce que pour ne pas courir le risque de sa dénaturation, ce qui serait également dans la droite ligne de la procédure administrative quasi-totalement écrite et où le seul acte dont la teneur n’est connue qu’à l’audience est le rapport public alors même qu’il est déterminant pour la solution du litige.


[1] Qui prévoit, lorsque l’affaire est susceptible d’être dispensée de conclusions du rapporteur public, que « les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l’audience, si le rapporteur public prononcera ou non des conclusions, et dans le cas où il n’en est pas dispensé le sens de ces conclusions ».