Un point sur un régime dérogatoire au droit commun de la responsabilité : la responsabilité civile nucléaire et ses récentes évolutions

18/02/2015

Au moment où se précise l’instauration dans notre droit d’un régime particulier concernant la responsabilité environnementale, il n’est pas sans intérêt de porter un regard sur un autre régime spécifique de responsabilité, celui de la responsabilité civile nucléaire.

La responsabilité civile nucléaire est un régime dérogatoire au droit commun de la responsabilité, s’appliquant aux accidents survenus dans une installation nucléaire ou durant le transport de substances nucléaires -y compris les déchets radioactifs- à destination ou en provenance de ces installations. Trouvant son origine et ses fondements dans des systèmes conventionnels internationaux  – la convention de Paris du 29 juillet 1960 et celle de Vienne du 21 mai 1963-, cette responsabilité civile nucléaire repose pour l’essentiel sur les principes suivants :

– Une responsabilité « canalisée » sur l’exploitant : celui-ci est le seul dont la responsabilité peut être recherchée par la victime des dommages causés par l’accident nucléaire, peu importe qu’un tiers (par exemple un fournisseur ou un sous-traitant de l’exploitant) puisse être impliqué dans la réalisation du dommage.

– Une responsabilité objective de l’exploitant : celui-ci est responsable en cas d’accident nucléaire, qu’une faute ou une négligence de sa part aient pu être prouvées ou non, ce qui simplifie naturellement le processus judiciaire.

– Une limitation, dans son montant et dans sa durée, de la responsabilité de l’exploitant.

– L’obligation pour chaque exploitant d’avoir et de maintenir une assurance ou une autre garantie financière à concurrence, par accident, du montant de sa responsabilité ; il s’agit de garantir que les fonds nécessaires seront disponibles pour assurer l’indemnisation y compris en cas de défaillance de l’exploitant.

– Une unité de juridiction donnant compétence aux seuls tribunaux de l’Etat sur le territoire duquel l’accident s’est produit.

– La non-discrimination entre les victimes selon leur nationalité, leur domicile ou leur résidence.

Malgré leurs objectifs et principes communs, les conventions de Paris et de Vienne ne prévoyaient pas de liens entre elles. Cette situation entraînait des risques à la fois d’exclusion, un accident nucléaire échappant en raison de ses caractéristiques au champ d’application des deux conventions, mais aussi des risques de superposition conflictuelle, un accident nucléaire pouvant, là encore en raison de ses caractéristiques propres, être l’objet de l’application simultanée des deux conventions.

Ce sont ces inconvénients que le protocole commun du 21 septembre 1988 a eu pour objet principal de supprimer en posant les principes essentiels suivants :

– D’une part, la distinction entre les parties contractantes respectives des deux conventions est abolie pour l’application de leurs stipulations fondamentales. Les parties contractantes à la convention de Paris ne sont par conséquent plus considérées comme des Etats non contractants à la convention de Vienne et réciproquement.

– D’autre part, l’article 2 du Protocole commun pose comme règle générale que l’exploitant d’une installation nucléaire située sur le territoire d’une partie à l’une des conventions est responsable, conformément à cette convention, des dommages nucléaires subis sur son territoire mais aussi sur le territoire d’une partie contractante à l’autre convention et au protocole commun.

Encore fallait-il que ce protocole commun soit approuvé. C’est chose faite pour ce qui concerne la France, puisque le protocole commun a été approuvé puis publié par la Loi du 7 mai 2014 et le décret du 22 août 2014.

Pour en savoir plus : Jean-Nicolas Clément La contribution française à l’élargissement et à l’harmonisation des régimes internationaux de responsabilité civile nucléaire : la loi du 7 mars 2014 et le décret du 22 août 2014    Énergie – Environnement – Infrastructures (n° 1, février 2015, comm. 6)