Double imposition des dividendes de source française perçus par un résident belge – L’administration fiscale belge refuse d’office l’octroi du crédit d’impôt étranger si les dividendes étrangers ont été encaissés en Belgique et n’ont pas été mentionnés dans la déclaration fiscale annuelle.

16/05/2018

Par Stéphanie Mercier

Jusqu’à l’arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 2017, l’administration fiscale refusait systématiquement tout crédit d’impôt étranger sur les dividendes de source française perçus par un particulier résident belge sauf si les actions étaient affectées au patrimoine professionnel.

En conséquence, ce dividende subissait une double imposition : une première imposition en France sous forme de retenue à la source (en principe au taux de 15 %) et une seconde imposition en Belgique au taux en vigueur (actuellement de 30 %) sur le montant du dividende net de retenue française.

Dans un arrêt du 16 juin 2017, la Cour de cassation en a décidé autrement, considérant que l’article 19A  de la convention fiscale franco-belge devait primer sur la législation de droit interne belge en ce qu’il prévoit que « […] l’impôt dû en Belgique sur leur montant net de retenue française sera diminué, d’une part, du précompte mobilier perçu au taux normal et, d’autre part, de la quotité forfaitaire d’impôt étranger déductible dans les conditions fixées par la législation belge, sans que cette quotité puisse être inférieure à 15 p.c. dudit montant net.»  

Selon l’interprétation de la Cour de cassation, le contribuable a droit à un crédit d’impôt de 15 % sur le montant du dividende net frontière (soit 12,75 % du montant brut du dividende). Suite à cet arrêt, l’affaire été renvoyée devant une autre Cour d’appel qui devrait ou non confirmer la jurisprudence de la Cour de cassation.

Dans l’attente de la position de la Cour d’appel, et afin d’éviter d’être hors délai, certains contribuables ont déjà introduit les recours administratifs nécessaires en vue d’obtenir ce crédit d’impôt.

Dans le cadre de l’examen de ces recours, il apparaît que l’administration fiscale belge refuse l’octroi de ce crédit d’impôt lorsqu’il concerne des dividendes dont la déclaration était facultative et qui n’ont pas été mentionnés dans la déclaration fiscale annuelle.

En effet, si le dividende de source étrangère a été encaissé directement à l’étranger sans passer par un intermédiaire financier belge (et donc sans que l’impôt belge n’ait été retenu à la source), il doit obligatoirement être mentionné dans la déclaration fiscale annuelle belge afin de subir l’imposition belge.

Par contre, le dividende encaissé via un intermédiaire financier belge ne doit pas obligatoirement être repris dans la déclaration fiscale annuelle puisque cet intermédiaire est obligé de retenir l’impôt belge (appelé précompte mobilier) lors du paiement du dividende. Avant l’arrêt de la Cour de cassation, le contribuable n’avait dès lors aucun intérêt à déclarer ce dividende sauf si l’application du barème progressif à l’impôt sur les revenus s’avérait plus avantageux que l’application du taux distinct du précompte mobilier.

Si l’administration fiscale belge a mis en suspens l’instruction des recours administratifs introduits dans les délais légaux concernant des dividendes dont la déclaration était obligatoire ou qui ont été mentionnés dans la déclaration fiscale annuelle, elle rejette dès à présent, les recours administratifs introduits – même dans le délai légal visé à l’article 371 du CIR – dès lors qu’ils concernent les dividendes dont la déclaration était facultative et qui n’ont pas effectivement été déclarés.

 

Pour justifier cette position, elle invoque l’article 313 du CIR qui prévoit :

« Les contribuables assujettis à l’impôt des personnes physiques ne sont pas tenus de mentionner dans leur déclaration annuelle audit impôt, les revenus des capitaux et biens mobiliers ni les revenus divers visés à (..) pour lesquels un précompte mobilier a été réellement retenu ou pour lesquels un précompte mobilier fictif est imputable en vertu de dispositions légales ou réglementaires, ni ceux qui sont exonérés de précompte mobilier en vertu de dispositions légales ou réglementaires, sauf s’il s’agit: (…) Le précompte mobilier dû sur de tels revenus non déclarés ne peut pas être imputé sur l’impôt des personnes physiques, ni être restitué. ».

Selon l’interprétation de l’administration fiscale, lorsque le contribuable a fait le choix de ne pas déclarer le revenu mobilier comme le lui permet l’article 313 du CIR et que le délai de réflexion dont il dispose est expiré par l’écoulement du délai pour introduire la déclaration, ce choix est définitif. Elle en déduit que le crédit d’impôt étranger ne peut plus être sollicité sur ces revenus qui n’ont pas été déclarés.

L’administration fiscale se base sur un arrêt de la Cour de cassation du 23 avril 1992 qui confirme le caractère « irrévocable » du choix du contribuable de ne pas déclarer le revenu mobilier mais uniquement en ce qui concerne les possibilités d’imputation ou de remboursement du précompte mobilier.

En l’espèce, ce n’est pas l’imputation ou le remboursement du « précompte mobilier » belge qui est sollicité (tel que visé à l’article 313 du CIR) mais l’octroi d’une quotité d’impôt forfaitaire étranger, qui selon l’article 19A se déduit de l’impôt belge normalement dû, en sus du précompte mobilier belge. L’article 313 du CIR est-il dès lors applicable ?

En outre, est-il légal de prétendre que le choix du contribuable est irrévocable, alors même qu’aucune case du formulaire ne permettait de solliciter l’imputation d’un crédit d’impôt étranger dans la situation invoquée ?

Enfin, même si on devait suivre l’argumentation de l’administration fiscale, la Cour de cassation a assoupli sa position dans un arrêt du 14 janvier 2016 et a permis le remboursement du précompte mobilier, alors même que le contribuable avait fait le choix de ne pas déclarer le revenu mobilier, dès lors que celui-ci avait été retenu partiellement à tort (taux erroné). En l’espèce, le précompte mobilier n’a-t-il pas été retenu à tort dès lors qu’il n’a pas été tenu compte du crédit d’impôt étranger ?

Il appartiendra aux Cours et tribunaux de se prononcer sur cette question. Bien entendu, ce débat n’aura de sens que si le principe même de l’octroi du crédit d’impôt devait se confirmer.

En attendant, le contribuable belge qui a encaissé des dividendes de source française via un intermédiaire financier belge sera bien inspiré de ne pas oublier de mentionner les dividendes dans sa déclaration fiscale belge. Si un recours administratif doit être introduit en vue de solliciter le crédit d’impôt étranger, au moins, il n’aura pas se défendre sur cet argument.