La CJUE estime que le framing peut constituer une mise à disposition d’un public nouveau

26/03/2021

La Cour fédérale de justice allemande a saisi la CJUE sur la question du framing et de la Directive 2001/29. Le 9 mars dernier, la CJUE a rendu un avis expliquant que la technique du framing constitue une mise à disposition d’un public nouveau,  à condition que le titulaire des droits d’auteur ait adopté ou imposé des mesures de restriction. 

Le framing, ou la transclusion, est une technique de substitution de l’adresse d’un site par un autre. L’incrustation sur un premier site d’un lien hypertexte renvoyant à un second site, donne ainsi l’impression que le premier site est propriétaire des contenus diffusés.

En cause, les clauses d’un contrat de licence d’utilisation d’un catalogue d’œuvres sous forme de vignettes entre une société de gestion collective des droits d’auteur dans le domaine des arts visuels et une fondation allemande exploitant une bibliothèque numérique dédiée à la culture.

La société de gestion collective subordonnait en effet la signature du contrat de licence à l’accord sur une clause en vertu de laquelle la fondation s’engagerait à mettre en œuvre des « mesures efficaces contre la transclusion par des tiers, de ces œuvres ou de ces objets protégés »[1].

Estimant la présence de cette clause déraisonnable, la fondation a saisi les juridictions allemandes afin d’obtenir la conclusion forcée du contrat de licence sans ladite clause litigieuse.

La Cour fédérale de justice a interrogé la CJUE par la procédure de renvoi préjudiciel sur la question de l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1[2] de la Directive 2001/29 portant sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, afin de déterminer si le framing était ou non un moyen de communication au public.

La CJUE a d’abord retenu que la bibliothèque ne stockait pas elle-même les vignettes, images de taille réduite. La bibliothèque est en fait une « vitrine numérique » par laquelle, lorsqu’un utilisateur clique sur une vignette, il se retrouve redirigé vers la page de l’institution participante, contenant une version agrandie.

Ensuite, elle rappelle que la publication par la bibliothèque de ces vignettes protégées par le droit d’auteur constitue un acte de communication au public au sens de la Directive 2001/29 et est par conséquent soumise à l’autorisation des titulaires de ces droits. 

Dès lors, la Cour a estimé que, lorsque les titulaires des droits ont autorisé la communication des œuvres protégées sur un premier site en demandant la mise en place de mesures restrictives visant à empêcher qu’un tiers puisse librement communiques ces œuvres au public, un second site ne peut pas utiliser la technique du framing pour mettre les œuvres à la disposition d’un public nouveau sur son propre site. La Cour interprète ainsi la prise de mesures restrictives comme une volonté de ne communiquer les œuvres visées qu’aux seuls internautes du site en question.

A l’inverse, si la communication sur le premier site n’a pas fait l’objet de mesures restrictives, la Cour énonce qu’il convient de considérer que le titulaire a autorisé, dès l’origine, la communication des œuvres à l’ensemble des internautes, de sorte que la technique du framing n’emporte pas communication à un public nouveau.

En d’autres termes, si le titulaire a adopté ou imposé des mesures restrictives pour la communication sur le site d’origine, le second site ne pourra pas user du framing pour y insérer ses œuvres sans son accord. Le titulaire pourra donc exiger, à ce titre, une rémunération appropriée.

Par Xenia Bodiansky et l’équipe IP/IT du cabinet UGGC Avocats

Sources : http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=E142B6D1800E1852AC1AA2BA0E18B89F?text=&docid=238661&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=4808179

https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2021-03/cp210036fr.pdf


[1] http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=E142B6D1800E1852AC1AA2BA0E18B89F?text=&docid=238661&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=4808179  point 2

[2]  « Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. »